Pilier 5
Génomique et séquençage viraux
Contexte
Des particules interférentes défectueuses (PID) apparaissent pendant la propagation du virus. Il s’agit de particules contenant des formes dégénérées du génome du virus, qui interfèrent avec la réplication du virus parental, mais ne se répliquent pas elles-mêmes. Historiquement, ces particules étaient considérées comme des artefacts de la propagation virale en laboratoire, mais des études ont montré que des génomes viraux défectueux sont présents chez des patients infectés par des virus tels que la grippe A et l’hépatite C. La mise au point de traitements antiviraux basés sur les PID suscite un grand intérêt.
Objectifs
Dans le cadre d’une étude dirigée par Jerry Pelletier et Tom Hobman, respectivement à l’Université McGill et à l’Université de l’Alberta, nous caractérisons des particules ID qui sont apparues après le passage en série du SARS-CoV-2 à des niveaux d’infection élevés.
Méthodes
Des chercheurs financés par le réseau CoVaRR-Net ont pu utiliser des technologies de pointe pour identifier et analyser directement la séquence complète de PID de molécules d’ARN représentant les génomes ID à partir d’un mélange complexe d’ARN de virus, à l’aide d’une méthode permettant d’analyser des molécules d’ARN individuelles et complètes, appelée séquençage d’ARN natif par Nanopore. Les principales PID d’ARN identifiées ont été caractérisées fonctionnellement, montrant qu’elles ont perdu ~84 % du génome du SRAS-CoV-2 et qu’elles sont capables de supprimer le virus original. Le groupe a produit des formes synthétiques de l’ARN du virus défectueux et a découvert qu’il pouvait être introduit dans des cellules infectées pour interférer avec la production du virus. Fait important, le virus défectueux ne se réplique que lorsque les cellules sont infectées et est inactif dans les cellules non infectées. En outre, de nouvelles PID d’ARN apparaissant naturellement et représentant une fusion de la protéine Nsp1 du SRAS-CoV-2 ont été identifiées par séquençage direct de l’ARN et il a été démontré qu’une version synthétique de cet ARN, ainsi que de la protéine correspondante, inhibe la réplication du virus dans les cellules infectées.
Signification et recherches futures
Les chercheurs ont montré que les particules interférentes défectueuses peuvent provoquer des changements cycliques dans la quantité de virus produite par les cellules infectées, car elles sont non seulement en concurrence avec les virus parentaux, mais dépendent également de ces derniers pour leur propagation. Grâce à une analyse détaillée, les chercheurs ont détecté une nouvelle molécule d’ARN de fusion et une protéine correspondante qui, à elles seules, peuvent supprimer la réplication virale. Globalement, ces résultats identifient des génomes viraux défectueux sélectionnés naturellement qui émergent et se propagent de manière stable en présence du virus parental. La prochaine étape consiste à mettre au point des stratégies thérapeutiques permettant d’acheminer l’ARN codant la particule ID par inhalation dans le nez et à les tester de manière approfondie sur des modèles de souris.
Samer Girgis, Zaikun Xu, Spyros Oikonomopoulos, Alla Federova, Egor Tchesnokov, Calvin Gordon, T. Martin Schmeing, Matthias Götte, Nahum Sonenberg, Pavel Baranov, Jiannis Ragoussis, Tom Hobman, Jerry Pelletier. Evolution of naturally arising SARS-CoV-2 defective interfering particles. Communications Biology. 2022.10.27.04058-5; https://www.nature.com/articles/s42003-022-04058-5