
Robert Delatolla
Directeur, Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées
Responsable du pilier 5, Génomique et séquençage viraux
Professeur, Université d’Ottawa
Le Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées (GRSEU) du réseau CoVaRR-Net a transformé la surveillance de la santé publique au Canada, en ouvrant la voie à la surveillance des eaux usées et de l’environnement pour le suivi des maladies infectieuses.
Au cours de son existence, le GRSEU a fait du Canada un chef de file mondial dans le domaine de la surveillance des eaux usées, en produisant des recherches novatrices et en établissant des collaborations interdisciplinaires qui auront des effets durables au-delà de la pandémie de COVID-19.
Avant la pandémie, la surveillance des eaux usées au Canada était principalement utilisée pour obtenir des informations liées à la santé publique, notamment pour observer la consommation de drogues illicites et détecter le poliovirus. Cependant, lorsque la pandémie s’est rapidement transformée en une urgence de santé publique, les eaux usées sont devenues un outil de santé publique essentiel. « La surveillance des eaux usées au Canada est passée d’une poignée de sites à plus de 260 sites à un moment donné de la surveillance de la COVID-19 », explique le Pr Rob Delatolla, directeur du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées du réseau CoVaRR-Net et professeur au Département de génie civil de l’Université d’Ottawa.
À plusieurs reprises au cours de la pandémie, lorsque les tests de routine en laboratoire n’étaient plus possibles parce que le nombre de cas de COVID-19 était trop élevé et que les centres de test ne pouvaient plus répondre à la demande, la surveillance des eaux usées a fourni un indicateur rentable et en temps réel de l’évolution des maladies infectieuses.
« Au début de la vague Omicron, le nombre d’analyses sanguines a fortement chuté », explique le Pr Delatolla. « Lorsque cela s’est produit, les mesures ont changé du tout au tout, car les analyses d’échantillons de sang sont devenues limitées. Toutefois, on effectuait toujours de la surveillance des eaux usées. C’est alors que nous avons commencé à comprendre sa valeur. Elle est économique, techniquement simple à réaliser, et elle peut nous fournir des données qui nous aideront à comprendre quand la prochaine pandémie ou menace sanitaire arrivera. »
Le GRSEU a apporté des contributions significatives à la surveillance des eaux usées et à l’optimisation des méthodes. Les données sur les eaux usées sont ainsi devenues plus fiables et plus facilement accessibles, ce qui a permis de les intégrer à la santé publique pour prévoir les hospitalisations et suivre l’évolution des maladies.
De plus, les recherches de l’équipe se sont étendues au-delà de la COVID-19, en appliquant les techniques de surveillance des eaux usées au suivi du virus respiratoire syncytial (VRS), de la tuberculose et de la grippe. Leur travail acharné, leur dévouement et leur expertise ont prouvé que les eaux usées constituent un système d’alerte précoce fiable pour de nombreux agents pathogènes, ce qui représente une valeur considérable pour les stratégies de santé publique dans le monde entier.
« En utilisant les eaux usées, nous pourrions prédire le début de la saison du VRS, ce qui pourrait, par exemple, aider les hôpitaux à se préparer à un afflux de patients », note le Pr Delatolla. « Si l’Ontario utilisait la surveillance des eaux usées pour le VRS, nous pourrions prévenir 250 hospitalisations, éviter 950 visites chez le médecin et faire économiser à la province environ 3,5 millions de dollars par an. »
L’une des réalisations marquantes du GRSEU a été son engagement en faveur de la collaboration interdisciplinaire. Le groupe a réuni des ingénieurs, des microbiologistes, des épidémiologistes, des statisticiens et des responsables de la santé publique afin d’affiner les méthodes de surveillance des eaux usées et d’intégrer les résultats dans le processus décisionnel en matière de santé publique. Ce cadre de collaboration a été déterminant pour faire de la surveillance des eaux usées un élément essentiel de la préparation face aux pandémies. Le GRSEU a donné la priorité à l’accès équitable aux données, au développement de l’infrastructure et des capacités de surveillance dans les communautés autochtones isolées et mal desservies.
Malgré son travail de pionnier, le GRSEU est confronté à un avenir incertain. Alors que les activités du réseau CoVaRR-Net prendront fin le 31 mars 2025, le Pr Delatolla souligne que le réseau de recherche, autrefois soudé, se fragmente. « Ce processus nous a permis de rencontrer des amis et des collègues extraordinaires et de tisser des liens », déclare-t-il. « Mais vous savez ce que c’est : sans réseau officiel, les gens retournent à leur travail et, avec le temps, ce n’est plus la même chose… contrairement à un réseau fort où il y a une structure globale qui nous garde tous unis. »
Néanmoins, le Pr Delatolla estime que l’héritage du groupe est fermement établi. Ses méthodologies et protocoles continuent d’éclairer des stratégies de santé publique, ce qui garantit que la surveillance des eaux usées reste une partie intégrante de la surveillance des maladies infectieuses. « Nous avons tellement fait progresser les connaissances que je pense – et j’espère – qu’il s’agira d’un outil précieux pour la prochaine pandémie. Voilà l’héritage. »
Alors que le Canada et la communauté scientifique mondiale s’appuient sur les travaux du GRSEU, l’objectif reste que la surveillance des eaux usées continue d’évoluer, qu’elle contribue à la surveillance de routine de la santé publique et qu’elle façonne l’avenir de la préparation aux pandémies pour les années à venir, au moins au Canada, si ce n’est dans les pays du monde entier.
Les eaux usées se révèlent être un système d’alerte précoce précis

Cette figure illustre l’association entre les signaux viraux des eaux usées et les hospitalisations à Ottawa entre le 16 juin 2020 et le 13 novembre 2022. La zone bleue indique le nombre de patients hospitalisés à cause de la COVID-19 à un moment précis. La courbe orange représente la moyenne mobile sur 7 jours du signal viral des eaux usées. L’augmentation considérable du signal viral dans les eaux usées lors de la vague BA.2 est due à la levée des mesures de protection sanitaire en mars 2022.