Cecilia L. Jenkins
Responsable de l’exploitation du réseau CoVaRR-Net
Marc-André Langlois
Directeur général, CoVaRR-Net
Professeur de virologie moléculaire et d’immunité intrinsèque, Université d’Ottawa
Nazeem Muhajarine
Co-responsable du pilier 8, Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale, du réseau CoVaRR-Net
Professeur et épidémiologiste, Université de la Saskatchewan
Ruth Sapir-Pichhadze
Scientifique, Centre de recherche évaluative en santé, responsable adjointe, Programme de recherche en désordres métaboliques et leurs complications (DeMeC), Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
Professeure agrégée, Faculté de médecine, Université McGill
Néphrologue, Division de néphrologie et de multitransplantation, Centre universitaire de santé McGill
Nous avons l’impression d’entendre de la musique des Fêtes depuis un mois déjà. Cela signifie-t-il que vous avez manqué la fenêtre pour vous faire vacciner contre les maladies saisonnières? « Pas du tout », affirme le Pr Marc-André Langlois, professeur à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et directeur général du réseau CoVaRR-Net. « Avec l’effervescence des Fêtes, ce n’est qu’une question de temps avant que nous ne soyons tous infectés. »
Combattre la grippe et la COVID-19
Suivant une tendance observée depuis plus de 100 ans, la saison de la grippe est de nouveau à nos portes. Et si, dans de rares cas, le virus peut entraîner de graves complications, la plupart d’entre nous se remettront indemnes d’une infection. Quels sont donc les avantages de la vaccination? Un simple vaccin peut réduire la gravité et la durée des symptômes de la grippe et vous aider à reprendre vos activités festives. Il réduira également les risques de transmission du virus à la grand-mère, qui ne se rétablira peut-être pas aussi facilement.
En ce qui concerne la COVID-19, ne vous laissez pas tromper par le manque de couverture médiatique. Elle existe toujours et elle est là pour de bon. En fait, les derniers rapports indiquent que sur 96 % des vols, il y a une personne infectée par la COVID-19 à bord. Par conséquent, si vous prévoyez de prendre l’avion pendant les Fêtes, vous devriez envisager de vous protéger en vous faisant vacciner et en portant un masque pendant le vol.
Et si nous nous attendons à ce que la COVID-19 suive des tendances saisonnières similaires à celles de la grippe, les similitudes s’arrêtent là. « Nous savons maintenant, après une étude intensive du virus, qu’il n’est pas comme la grippe », déclare le Pr Langlois. « Il s’agit d’une maladie multisystémique qui peut affecter les systèmes nerveux et vasculaire ainsi que divers organes, notamment le cœur, les poumons, le cerveau et les reins. Elle peut également affecter votre forme mentale, en réduisant votre énergie et votre capacité de concentration. »
De plus, la recherche montre aujourd’hui que plus on est réinfecté, plus on risque de développer une COVID longue. Par exemple, les personnes qui ont eu deux infections par la COVID sont deux fois plus susceptibles de développer une COVID longue. Les personnes ayant contracté trois infections ou plus sont presque quatre fois plus susceptibles de développer la maladie. Mais nous y reviendrons un peu plus tard…
Quel vaccin choisir?
Pour la saison grippale 2024-2025, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) continue de recommander le vaccin antigrippal quadrivalent ou trivalent adapté à l’âge pour les personnes âgées de six mois et plus qui ne présentent pas de contre-indications ou de précautions. Le virus évoluant très rapidement, une nouvelle composition est nécessaire chaque année.
De même, pour l’automne 2024, le CCNI a recommandé deux vaccins à ARNm actualisés contre le SRAS-COV-2, ciblant tous deux la souche KP.2. Spikevax de Moderna est disponible pour les personnes âgées de six mois et plus, et Comirnaty de Pfizer-BioNTech est disponible pour les personnes âgées de 12 ans et plus. La différence entre les deux est négligeable et vous devriez vous sentir confortablement protégé après avoir pris l’un ou l’autre. Le CCNI a également recommandé le Nuvaxovid de Novavax, un vaccin à base de protéines, pour les personnes âgées de 12 ans et plus, mais il n’est pas acheté en grandes quantités et envoyés aux provinces en raison de la faible demande au cours des années précédentes.
Peut-on se faire vacciner à la fois contre la grippe et contre la COVID-19?
À l’heure actuelle, rien ne prouve qu’il soit meilleur ou pire de recevoir les vaccins en même temps. « Je préfère avoir mal au bras une fois pendant deux jours que deux fois pendant deux jours », dit le Pr Langlois, de manière assez pragmatique. « Je préfère attendre une fois à la pharmacie. C’est une question de commodité. »
Bien qu’il s’agisse de l’état actuel des connaissances, il admet que nous devons mener davantage d’essais cliniques randomisés pour déterminer si la co-administration (en même temps) ou l’administration séquentielle produit une réponse immunitaire identique, similaire ou légèrement différente.
Co-administration ou séquentielle, un essai clinique
Dans le cadre d’un essai clinique en cours, financé par les IRSC et pour lequel le Pr Langlois est cochercheur, intitulé « The Best Shot for What You’ve Got », la Dre Ruth Sapir-Pichhadze et son équipe du Centre de recherche évaluative en santé (CRES) de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (l’Institut) visent à déterminer des stratégies pour améliorer la réponse immunitaire protectrice aux vaccins respiratoires chez les personnes atteintes d’une maladie immunodépressive.
L’augmentation des hospitalisations liées à la COVID-19 au cours de l’été 2024 a mis en évidence une fois de plus la vulnérabilité persistante des personnes vivant dans des conditions d’immunodépression, telles que les greffés d’organes pleins et prenant des médicaments immunosuppresseurs, ou les personnes souffrant de maladies inflammatoires de l’intestin, de maladies rhumatologiques ou de maladies virales chroniques telles que le VIH. Elles courent un risque accru de développer des infections graves nécessitant un traitement supplémentaire ou une hospitalisation.
L’équipe de la Dre Sapir-Pichhadze cherche à savoir si la co-administration du vaccin contre la COVID-19 avec le vaccin inactivé contre la grippe saisonnière est aussi efficace que l’administration séquentielle. « Comme la COVID-19 passe du contexte d’une pandémie à celui d’une infection qui tend à se produire en même temps que la saison de la grippe, il est important de définir des stratégies préventives qui tiennent compte de ces deux aspects », explique la Dre Sapir-Pichhadze.
COVID longue
Malheureusement, quel que soit le vaccin contre la COVID-19 que vous recevez ou la manière dont vous l’obtenez, aucun d’entre eux ne prévient très bien les infections. Cependant, ils permettent de réduire la gravité et la durée des symptômes et de raccourcir la période pendant laquelle vous êtes contagieux. Mais surtout, il a été démontré que les vaccins réduisent les risques de développer une COVID longue.
« Pour environ 1 personne sur 6, soit 17 % des Canadiens, une infection par la COVID-19 peut entraîner une COVID longue », déclare le Pr Nazeem Muhajarine, co-responsable du pilier 8, Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale, du réseau CoVaRR-Net, et professeur et épidémiologiste à l’Université de la Saskatchewan.
« Bien qu’il y ait un large éventail de gravité pour la COVID longue, elle peut entraîner des symptômes débilitants pendant des mois, voire des années. Elle peut vous empêcher de travailler, d’être physiquement actif, d’être actif sur le plan cognitif et d’avoir des relations avec les gens, par exemple de serrer vos petits-enfants dans vos bras, de vous réunir et de converser avec vos amis pendant une soirée. »
Malheureusement, le Pr Muhajarine déclare que nous ne pouvons toujours pas conclure avec certitude qui est le plus exposé au risque de COVID longue, car la manifestation est large et semble dépendre de plusieurs facteurs liés au patient, au virus et à la COVID-19 elle-même. « Les physiologistes, les immunologistes et les chercheurs en santé publique étudieront la COVID pendant de nombreuses années encore. »
Mieux vaut prévenir que guérir?
Cecilia Jenkins est responsable de l’exploitation du réseau CoVaRR-Net depuis mai 2021. Scientifique à part entière, titulaire d’un doctorat en génie minier, on peut supposer qu’elle suit la science et se fait vacciner dès qu’elle en a l’occasion. Et c’est le cas.
« J’ai reçu mon vaccin contre la COVID et la grippe, un lundi après-midi. Mardi, mon bras était douloureux, j’ai pris deux comprimés d’acétaminophène et mercredi, ça s’est amélioré. Jeudi, j’étais encore mieux. »
Bien que Cecilia croie fermement aux avantages de la vaccination, elle attend avec impatience le moment où elle n’aura plus à se faire vacciner chaque année contre la COVID, peut-être avec l’arrivée d’un vaccin mucosal.
Les vaccins mucosaux représentent une toute nouvelle catégorie de technologie vaccinale – une catégorie que plusieurs chercheurs du réseau CoVaRR-Net tentent de développer – qui non seulement réduit la gravité et la durée de la maladie, mais bloque complètement l’infection. Il s’agit de vaccins administrés par pulvérisation nasale ou par inhalation pour induire une réponse immunitaire protectrice sur le site d’entrée du virus. Ainsi, le virus qui pénètre dans les voies respiratoires n’a aucune chance de se fixer et d’infecter une cellule.
En attendant, Cecilia, une femme indépendante, compétitive, saine et athlétique de 62 ans, fait tout ce qu’elle peut pour éviter sa plus grande inquiétude : la COVID longue. « Je travaille à la maison. Je me fais vacciner. Je porte un masque partout. Si je suis infectée, ce sera parce que j’ai choisi de prendre un risque », déclare Cecilia. « Les gens disent que je passe à côté de quelque chose. Oui et non. Si je contractais la COVID, serais-je capable de faire tout le vélo de montagne que je fais comme femme de 62 ans, en roulant toujours en 26 pouces alors que tout le monde est passé au vélo électronique? Je ne pense pas. »
Si le risque de contracter la COVID est une raison suffisamment convaincante pour que beaucoup d’entre nous se fassent vacciner, pourquoi d’autres résistent-ils?
Nazeem Muhajarine et ses collègues du pilier 8 ont passé leur dernière année au sein du réseau CoVaRR-Net à analyser le concept de confiance du public et la manière dont il a évolué à la suite de la pandémie de COVID-19.
« Je pense que nous sommes à un point critique en ce qui concerne la confiance du public », explique le Pr Muhajarine. « Dans de nombreux cas, la façon dont les gens perçoivent les vaccins et la COVID-19, et peut-être même les futures urgences sanitaires, est influencée par la façon dont ils perçoivent le gouvernement, les autorités de santé publique, les scientifiques de la santé et les prestataires de soins médicaux, sans parler des politiciens. À l’avenir, nous devons nous efforcer de conserver la confiance des gens, afin qu’ils nous fassent confiance, car la confiance est une voie à double sens et nous ne pouvons pas ignorer notre rôle à cet égard. »