
Ioannis (Jiannis) Ragoussis, Ph. D.
Responsable, Pilier 5, Génomique et séquençage viraux
Membre du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées
Responsable des sciences du génome, Centre de génomique McGill
Professeur, Université McGill
En février 2020, un mois avant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne qualifie la propagation de la COVID-19 de pandémie le 11 mars, le Pr Jiannis Ragoussis et son équipe du Centre de génomique McGill ont commencé à séquencer des échantillons du génome entier du virus du SRAS-CoV-2 à l’aide des technologies de séquençage de nouvelle génération (SNG). Ces technologies permettent une analyse génétique rapide et détaillée d’un virus au fur et à mesure de son évolution en différentes souches.
« Étant donné que les virus à ARN ont un taux de mutation très élevé, nous pensions que le virus du SRAS-CoV-2 muterait rapidement, ce qui donnerait des souches plus virulentes ou qui échapperaient davantage au système immunitaire et qui pourraient provoquer des symptômes plus graves. Le seul moyen d’identifier toutes les mutations ou les petites différences de séquences dans les échantillons au fur et à mesure de l’évolution du virus est de séquencer le génome entier », explique le Pr Ragoussis, responsable du pilier 5 du réseau CoVaRR-Net, Génomique et séquençage viraux, membre du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées (GRSEU) du réseau et professeur à l’Université McGill.
Les innovations du pilier 5 en matière de séquençage génomique des variants ont donné une longueur d’avance au Canada
En avril 2020, il a commencé à appliquer des techniques de pointe pour séquencer les génomes entiers d’échantillons cliniques de SRAS-CoV-2 provenant de patients québécois, en partenariat avec le gouvernement du Québec et ses laboratoires de santé publique.
« Les méthodes de séquençage du génome entier que nous avons mises au point et adaptées ont été très importantes pour identifier et suivre avec précision les variants préoccupants (VP). Ces outils nous ont permis de mieux comprendre la transmission et l’évolution du virus au Québec et, à partir de 2021, une fois le réseau CoVaRR-Net créé, dans tout le Canada, en collaboration avec d’autres scientifiques du réseau CoVaRR-Net et les autorités de santé publique, au cours des différentes phases de la pandémie », explique le Pr Ragoussis.
La clé de la surveillance des eaux usées
Les scientifiques du pilier 5 ont également participé activement à l’analyse des eaux usées.
« Nous avons reconnu très tôt que l’échantillonnage clinique seul, qui est coûteux et peut sous-estimer la proportion de la population infectée, n’était pas viable à long terme. Lorsque le réseau CoVaRR-Net a été lancé, notre priorité immédiate a été de séquencer les génomes du SRAS-CoV-2 à partir d’échantillons cliniques et d’échantillons d’eaux usées et de montrer les avantages d’une combinaison systématique des données provenant de ces deux approches de dépistage complémentaires », déclare le Pr Ragoussis.
Les scientifiques de pilier 5 ont élaboré et testé une large gamme de tests de séquençage à haute sensibilité afin d’optimiser la détection des VP dans les échantillons cliniques et d’eaux usées. Par exemple, pour améliorer la détection et la caractérisation des variants du SRAS-CoV-2 dans les échantillons d’eaux usées, les chercheurs ont mis au point une nouvelle approche combinant des technologies de séquençage génomique à lecture courte et longue.
Le pilier 5 a développé une nouvelle approche pour séquencer les données sur les eaux usées en utilisant des technologies de lecture courte et longue.
« La combinaison des deux technologies s’est avérée particulièrement importante pour identifier avec précision les variants préoccupants dans le cadre du dépistage dans les eaux usées, car ces eaux contiennent de nombreux types de virus pathogènes », explique-t-il.
L’équipe a ensuite contribué à démontrer que la surveillance des eaux usées est efficace et constitue un système d’alerte précoce en faisant correspondre des échantillons d’eaux usées à des échantillons cliniques.
Par exemple, le Pr Jeff Wrana, membre du pilier 5 au Sinai Health de Toronto, a dirigé et contribué à des études de dépistage rapide et à haut débit qui ont permis de cartographier l’évolution et la propagation des différents variants du SRAS-CoV-2 dans la région du Grand Toronto entre 2020 et 2023. Il a montré la valeur de l’intégration des données provenant de l’échantillonnage clinique et des eaux usées. « Le séquençage génomique approfondi et détaillé des variants dans la région du Grand Toronto réalisé par le Pr Wrana a également permis de détecter des quasi-espèces du virus, ou variants mineurs, qui ont émergé chez des personnes immunodéprimées ayant été exposées au virus pendant une longue période », explique le Pr Ragoussis.
« Nous avons démontré que la combinaison et l’intégration des données issues de ces deux méthodes de dépistage complémentaires étaient réalisables et utiles, et qu’elles pouvaient améliorer la surveillance des variants du SRAS-CoV-2 de plusieurs façons, au niveau local, régional et national », déclare le Pr Ragoussis, qui, avec le Pr Jesse Shapiro, co-responsable du pilier 6, et le Pr Peter Vanrolleghem, membre du GRSEU, est devenu membre du CentrEau. Cette organisation a effectué une surveillance génomique à grande échelle des eaux usées au Québec et a finalement transféré sa technologie et ses méthodologies innovantes aux laboratoires de santé provinciaux.
Les travaux du pilier 5 ont fourni un modèle canadien unique pour le suivi de la trajectoire de la pandémie de COVID-19. Il a également contribué à la mise en place de réseaux de surveillance génomique des eaux usées que les membres du pilier 5 ont dirigés ou codirigés en Ontario, au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique, ainsi qu’à la création du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées (GRSEU) du réseau CoVaRR-Net en 2022.
Collaborations fructueuses au sein du réseau
Le pilier 5 a également fourni un soutien expert en génomique à d’autres unités du réseau CoVaRR et a collaboré activement à de nombreux projets avec les piliers 1 (immunologie et protection vaccinale), 3 (Virologie), 4 (Génomique fonctionnelle et structure-fonction des variants préoccupants), 6 (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs ou CAMEO), le GRSEU et la Biobanque, la Plateforme de données et les Initiatives majeures en bioéthique, ainsi que CUBE (Coronavirus dans l’environnement bâti urbain).
La collaboration permanente entre le pilier 5 et le pilier 6/CAMEO, par exemple, leur a fourni un flux constant de données de séquençage génomique viral à partir d’échantillons cliniques et d’eaux usées. Les chercheurs de CAMEO ont utilisé ces données pour analyser et suivre la prévalence et l’augmentation des lignées de variants dans la population canadienne, modéliser l’évolution génétique du virus et évaluer les taux de propagation, les caractéristiques d’évasion immunitaire et la pathogénicité.
En collaboration avec CUBE, les chercheurs du pilier 5 ont contribué à mettre au point de nouvelles méthodes de séquençage pour améliorer la sensibilité de la détection du SRAS-CoV-2 à partir de traces virales sur les surfaces environnementales, telles que les sols, ce qui a permis de soutenir des études innovantes de dépistage du SRAS-CoV-2 menées par CUBE dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. « Nous avons prouvé qu’il était possible de produire des données de séquençage du génome entier et d’identifier des variants préoccupants sur les surfaces d’établissements de soins de longue durée, d’hôpitaux, d’écoles, de garderies et d’autres bâtiments », explique le Pr Ragoussis.
Se préparer à de futurs agents pathogènes et urgences sanitaires
Grâce aux travaux financés par le réseau CoVaRR, les chercheurs du pilier 5 appliquent et adaptent leurs nouvelles méthodes de séquençage génomique pour permettre la détection et l’analyse rapides d’un plus grand nombre d’agents pathogènes, y compris d’autres virus respiratoires et menaces bactériennes. « L’Agence de la santé publique du Canada fournit des fonds importants aux membres du pilier 5 pour étendre ce type d’études à d’autres agents pathogènes. Il s’agit notamment d’un projet visant à détecter les pathogènes Campylobacter , responsables d’intoxications alimentaires, et les gènes de résistance aux antimicrobiens qui leur sont associés, à l’aide d’outils métagénomiques pour la surveillance des eaux usées », explique le Pr Ragoussis.
« Le réseau CoVaRR-Net a rassemblé des scientifiques de nombreuses disciplines différentes pour résoudre un problème de santé commun. C’était très gratifiant de pouvoir travailler avec des groupes de chercheurs avec lesquels je n’aurais pas eu l’occasion de travailler autrement et, surtout, d’avoir un impact sur le succès du Canada dans la lutte contre la pandémie », déclare-t-il. « La surveillance fondée sur la génomique a joué un rôle déterminant dans ce succès, et je pense que le travail interdisciplinaire que nous avons réalisé ensemble contribuera à mieux préparer le Canada aux futures pandémies et crises de santé publique. »