Sally Otto
Co-responsable du pilier CAMEO, Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs, du réseau CoVaRR-Net
Professeure Killam et titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1, Université de la Colombie-Britannique
Jesse Shapiro
Co-responsable du pilier CAMEO (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) du réseau CoVaRR-Net
Membre du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées
Professeur agrégé, Université McGill et Centre de génomique de McGill
Chaque semaine, le pilier CAMEO (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) du réseau CoVaRR-Net produit un nouvel instantané, un rapport de situation et une analyse de ce qui se passe avec les variants du SRAS-CoV-2 au Canada par l’entremise de son carnet de notes interactif Duotang en ligne. En collaboration avec une équipe mondiale de chasseurs de variants, Duotang signale également les nouveaux variants dignes de mention dans d’autres pays.
La modélisation actuelle de CAMEO montre que le virus JN.1 et ses descendants (sous-variants) représentent plus de 90 % des nouveaux cas au Canada. « Cette lignée est un variant d’Omicron à forte évasion immunitaire dans le groupe BA.2.86 », explique la Pre Sally Otto, co-responsable du pilier CAMEO du réseau CoVaRR-Net, professeure Killam et titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1 à l’Université de la Colombie-Britannique. « Le variant JN.1 s’est propagé rapidement, doublant tous les 10 jours par rapport à la lignée XBB qui était auparavant dominante. Cette propagation du JN.1 a contribué à l’augmentation récente du nombre de cas dans tout le pays. Heureusement, le pic du JN.1 semble décliner à l’approche du printemps. Bien qu’il n’y ait pas de nouveau variant préoccupant, l’affaiblissement de l’immunité et les nouveaux sous-variants qui échappent au système immunitaire devraient maintenir la COVID à des niveaux modérés. »
La COVID-19 pourrait être endémique, mais la surveillance reste nécessaire
« En travaillant en équipe, nous avons permis à Duotang de rester au fait de la diversité des lignées de SRAS-CoV-2 qui ne cessent d’évoluer, dont plus de 400 lignées nommées au Canada rien qu’au cours des quatre derniers mois », déclare la Pre Otto. « Nous avons automatisé l’analyse des séquences virales afin de rechercher les variants qui se propagent à une vitesse inhabituelle ou qui présentent des caractéristiques mutationnelles inhabituelles. Notre équipe examine ensuite les résultats pour déterminer ce que cela signifie », ajoute la Pre Otto. « Ensemble, nous jouons le rôle d’une station météorologique pour la COVID-19, en aidant le public et le gouvernement à connaître l’évolution du virus et l’impact qu’elle devrait avoir sur les cas. »
Les experts de CAMEO considèrent que le SRAS-CoV-2 se trouve dans une phase endémique, où l’évolution rapide et continue du virus constitue une menace permanente qui nécessite une vigilance et une surveillance régulières. « C’est une situation endémique, plutôt stable, avec des vagues plus petites qui peuvent durer six mois à mesure que l’immunité diminue au sein de la population. Le virus continue d’évoluer, avec de nouvelles mutations qui échappent à l’immunité, et nous aurons besoin de nouveaux vaccins pour une protection efficace », estime le Pr Jesse Shapiro, co-responsable du pilier CAMEO du réseau CoVaRR-Net, membre du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées du réseau CoVaRR-Net, et professeur agrégé à l’Université McGill et au Centre de génomique de McGill.
« Un variant très nouveau pourrait également apparaître et provoquer un pic important et inattendu de cas, comme lors de l’apparition d’Omicron, et les gens seraient beaucoup moins immunisés contre cela », prévient-il.
Les chercheurs de CAMEO utilisent pour leurs analyses les données compilées sur le Portail canadien de données VirusSeq. Ce portail à code source ouvert et à accès libre permet un partage rapide des données pour toutes les séquences du génome canadien du SRAS-CoV-2 et les métadonnées associées utilisées pour détecter, diagnostiquer et anticiper la propagation de nouveaux variants. Il s’agit de la base de données clé pour les analyses de Duotang et d’autres outils d’aide à l’investigation, tels que l’évaluation du risque des variants du SRAS-CoV-2. L’équipe du portail de données VirusSeq a reçu un financement de 346 505 dollars de la part de CoVaRR-Net et est en train de s’étendre pour soutenir les analyses et la visualisation des données sur les eaux usées du SRAS-CoV-2 provenant de tout le pays et potentiellement des données pour d’autres agents pathogènes viraux prioritaires à l’échelle nationale.
CAMEO travaille également en étroite collaboration avec le pilier Interactions hôte-pathogène du réseau CoVaRR-Net pour suivre et analyser l’évolution et les mutations du SARS-CoV-2 dans les réservoirs animaux. « Il est plausible que le prochain variant préoccupant ou un autre agent pathogène viral puisse évoluer chez les animaux et se transmettre à l’humain. Nous analysons 2 000 séquences du génome du SRAS-CoV-2 d’origine animale et examinons leurs relations avec les séquences humaines correspondantes à l’aide de données de santé publique », explique le Pr Shapiro.
Il collabore également avec le Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées du réseau CoVaRR-Net afin d’élaborer, d’appliquer et de comparer des méthodes permettant de suivre les variants et les mutations du SRAS-CoV-2 dans l’environnement bâti et les eaux usées. « Par exemple, pour le séquençage d’échantillons d’eaux usées, nous aidons à déterminer la quantité de séquençage nécessaire pour obtenir des résultats significatifs et fiables de manière rentable », explique le Pr Shapiro.
Adapter Duotang à d’autres agents pathogènes
CAMEO est en train d’adapter ses capacités de modélisation pour suivre et analyser rapidement la propagation et l’évolution d’autres agents pathogènes viraux. Une capacité élargie pourrait être utile à l’avenir pour la surveillance, la modélisation et l’analyse rapides de différents virus respiratoires circulant en même temps et de virus nouveaux ou émergents préoccupants.
« Tous les outils que nous avons mis au point dans le cadre de Duotang et de VIRUS-MVP (anciennement COVID-MVP, un outil interactif de visualisation de cartes thermiques pour le SRAS-CoV-2) sont en cours d’adaptation pour la grippe, y compris la grippe humaine saisonnière, la grippe aviaire et la grippe porcine, ainsi que le VRS », déclare le Pr Shapiro. Le réseau CoVaRR-Net a accordé un financement de 369 000 dollars à CAMEO pour l’aider à soutenir le développement des outils et des capacités.
« Savoir quand les variants se propagent et à quelle vitesse peut aider à prédire les futurs pics de COVID-19, de grippe, de VRS et potentiellement d’autres maladies respiratoires dues à de nouveaux agents pathogènes », affirme la Pre Otto. « Le défi consistera à maintenir le flux de données et d’investissements pour tirer parti des progrès scientifiques incroyables réalisés ces dernières années afin d’élargir notre boîte à outils de préparation et de contribuer à la prévention de la prochaine pandémie. »
« Il nous a fallu un an pour mettre en place l’infrastructure nécessaire à la création de Duotang pour le SRAS-CoV-2, l’utiliser à l’interne et le rendre public. Aujourd’hui, cependant, nous pourrions potentiellement mettre en place un Duotang pour un pathogène viral préoccupant nouveau ou émergent beaucoup plus rapidement, peut-être en moins d’une semaine, si nous disposions de suffisamment de données accessibles au public », ajoute le Pr Shapiro.
L’application des connaissances est déterminante
La modélisation rapide et les analyses du SRAS-CoV-2 de CAMEO ont généré des informations récentes pour les gouvernements nationaux et provinciaux, les responsables de la santé publique, les hôpitaux et d’autres prestataires de soins de santé à différents stades de la pandémie depuis le printemps 2021, date de la mise sur pied du réseau CoVaRR-Net.
« Les autorités de santé publique ont consulté les experts de CAMEO et ont utilisé Duotang régulièrement pour être informées et obtenir des renseignements à jour sur l’état des variants au Canada et sur les lignées qui se développent le plus rapidement. Nous avons consacré beaucoup de temps et d’efforts pour garantir la fiabilité de ces renseignements », déclare le Pr Shapiro.
« Sally et moi-même, ainsi que d’autres membres de CAMEO, avons participé à des réunions d’information avec le sous-ministre de la santé pendant les vagues causées par les variants Delta et Omicron afin de lui faire part de nos informations et de nos analyses. Nous avons discuté de questions telles que : comment l’augmentation de la couverture vaccinale pourrait-elle réduire le nombre de cas et d’hospitalisations au Canada? Lorsque le variant Omicron s’est répandu en Afrique du Sud, mais qu’il n’avait pas encore atteint le Canada, il a été question d’évaluer les données probantes relatives au taux de transmission élevé et de savoir si l’on pouvait s’attendre à des pics de cas similaires au Canada », explique-t-il, faisant observer que la modélisation et les analyses rapides de CAMEO dépendent des données essentielles recueillies par des laboratoires de santé publique.
Le Pr Shapiro se réjouit également de voir ses propres étudiants offrir leur expertise à des agences de santé publique. « Un grand nombre de stagiaires de mon laboratoire sont allés travailler à l’Agence de santé publique du Canada (ASPC) et dans des laboratoires de santé publique pour effectuer du séquençage génomique et de l’analyse d’agents pathogènes viraux. L’un des aspects positifs de la pandémie a été la collaboration et la fluidité plus étroites entre les chercheurs universitaires et gouvernementaux afin de soutenir des politiques et des mesures de santé publique éclairées et fondées sur des données probantes pour protéger la santé des Canadiens », ajoute-t-il.