
Rees Kassen
Chef de projet, Coronavirus dans l’environnement bâti urbain
Membre du Pilier 6 : Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs (CAMEO) Professeur, Université McGill
À la suite de la pandémie de COVID-19, une initiative de recherche innovatrice connue sous le nom de CUBE, pour Coronavirus in the Urban Built Environment, c’est-à-dire Coronavirus dans l’environnement bâti urbain, a démontré que la surveillance environnementale peut être un outil puissant pour comprendre et gérer les maladies infectieuses. Alors que les mesures traditionnelles de santé publique ont reposé principalement sur les tests humains (échantillons de sang ou de salive) et la surveillance des eaux usées, CUBE a adopté une approche différente : la surveillance d’environnements bâtis tels que des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée, des écoles, des bibliothèques et des garderies en prélevant des échantillons sur les surfaces, en particulier sur les sols.
Le concept de CUBE est antérieur à la pandémie. Les chercheurs ont étudié la manière dont les microbes, y compris les virus tels que le SRAS-CoV-2, se propagent dans les environnements bâtis. Toutefois, ces idées n’avaient pas encore tout à fait pris forme jusqu’à ce que la COVID-19 crée un besoin urgent de méthodes de surveillance alternatives.
Le Pr Rees Kassen de l’Université McGill, anciennement de l’Université d’Ottawa, a dirigé cette initiative, financée en grande partie par le réseau CoVaRR-Net. Réunissant des microbiologistes, des spécialistes des maladies infectieuses et des biologistes de l’évolution, CUBE a établi des partenariats déterminants partout au pays.
« Nous disposions d’une équipe vraiment interdisciplinaire et le soutien du réseau CoVaRR-Net a été absolument essentiel pour rendre cela possible », déclare le Pr Kassen. « Il a également joué un rôle clé en nous mettant en contact avec un réseau plus large de collaboration partout au pays, y compris avec d’autres piliers. Cela signifiait que nous pouvions prendre le temps nécessaire pour entretenir des relations productives, nécessaires et précieuses pour notre recherche et nos organisations partenaires. »
L’une des découvertes les plus impressionnantes de CUBE a été le rôle des sols dans la détection et la surveillance des virus respiratoires. Contrairement aux surfaces fréquemment touchées telles que les boutons d’ascenseur et les rampes, les sols agissent comme des réservoirs de gouttelettes respiratoires : une personne infectée parle, éternue, tousse ou expire, et les gouttelettes tombent sur le sol.
CUBE a validé une méthode d’échantillonnage de l’environnement bâti pour le SRAS-CoV-2 dans laquelle des échantillons sont prélevés sur des surfaces et traités par réaction en chaîne de la polymérase (RCP), un outil génétique permettant de détecter la présence d’agents pathogènes. Cette approche permet aux chercheurs d’établir un lien entre la prévalence d’un agent pathogène à partir d’échantillons de surface et le fardeau de l’infection humaine, à l’instar de la surveillance des eaux usées, mais à une échelle spatiale beaucoup plus fine, car la détection peut être localisée au niveau d’un seul bâtiment, d’un seul étage, voire d’une seule pièce.
« En termes de surveillance, l’écouvillonnage des sols a probablement été le résultat le plus important », déclare le Pr Kassen. « Dans notre première étude sur les soins de longue durée, nous avons échantillonné dix établissements de soins de longue durée dans les régions d’Ottawa, de Toronto et de Sault Ste. Marie et nous avons pu montrer que nous pouvions anticiper les éclosions déclarées par la province dans ces établissements de cinq à sept jours en moyenne, simplement en prélevant des échantillons de sol. »
Le Pr Kassen s’émerveille encore de sa simplicité et de son succès. « N’est-ce pas ce qu’est souvent la meilleure science? Les choses simples peuvent avoir le plus d’impact et ce projet a eu un impact énorme. »
Les découvertes de CUBE jettent les bases d’une gestion proactive des maladies grâce à une nouvelle méthode de détection des agents pathogènes dans des lieux spécifiques, offrant un complément ajusté à l’espace à la surveillance des eaux usées. La surveillance de surface peut être particulièrement utile dans les environnements où les gens n’utilisent pas de systèmes de traitement des eaux usées, par exemple dans les communautés utilisant des fosses septiques ou dans les établissements de soins de longue durée où de nombreux résidents n’utilisent pas de toilettes.
Le succès de CUBE était profondément ancré dans son approche collaborative. La nature interdisciplinaire du projet, associée à des partenariats industriels, a joué un rôle déterminant. Selon le Pr Kassen, le partenariat entre CUBE et DNA Genotek a permis aux chercheurs de prélever et de conserver les écouvillons à température ambiante sans dégradation. Cette technologie a permis d’éliminer les problèmes logistiques liés au transport d’échantillons dans des conditions de stockage ultra-froides. Ce partenariat perdure encore aujourd’hui.
Alors que la menace immédiate de la COVID-19 s’estompe, les méthodes de CUBE se sont révélées utiles pour d’autres menaces pour la santé publique. Les chercheurs appliquent désormais les mêmes techniques d’échantillonnage environnemental pour étudier la résistance aux antimicrobiens (RAM), la tuberculose (TB) et la grippe aviaire (H5N1). Cette expansion constitue une boucle complète pour CUBE, qui s’était à l’origine lancé dans l’étude de la microbiologie environnementale avant de se réorienter pendant la pandémie. Aujourd’hui, CUBE revient à sa mission la plus large : comprendre comment les microbes interagissent avec l’environnement humain et utiliser ces connaissances pour élaborer des stratégies de santé publique. « C’est un monde microbien », note le Pr Kassen. « Nous ne faisons que passer. »
Avec la fin de son financement initial, CUBE est confronté à de nouveaux défis pour obtenir un soutien pour les recherches futures. Toutefois, le réseau de scientifiques, de prestataires de soins de santé et de partenaires industriels qui a émergé du projet perdurera probablement.
« Je pense que c’est l’héritage de notre groupe », déclare le Pr Kassen. « Nous continuerons à développer nos travaux et à explorer de nouveaux cas d’utilisation pour différentes maladies, tout en conservant l’accent mis sur la surveillance de l’environnement. Nous travaillons avec des cliniques vétérinaires et des refuges pour animaux sur le H5N1, ainsi qu’avec des services d’urgence d’hôpitaux pour humains. Notre objectif est de repousser les limites de cette approche et de voir jusqu’où nous pouvons la faire avancer. »