Anne-Claude Gingras

Anne-Claude Gingras

Responsable, pilier 4 – Génomique fonctionnelle et structure-fonction des variants préoccupants
Chercheuse principale, Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, Sinai Health System
Professeure de médecine, Université de Toronto
Titulaire de la chaire de recherche du Canada en protéomique fonctionnelle

Nozomu Yachie

Adjoint, pilier 4 – Génomique fonctionnelle et structure-fonction des variants préoccupants
Professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique
Titulaire de la chaire de recherche du Canada en biologie synthétique

Depuis le début de la pandémie de COVID-19 et la création du réseau CoVaRR-Net, le pilier 4, Génomique fonctionnelle et structure – Fonction des variants préoccupants, a fait de grands progrès dans la mise au point d’outils et de méthodes permettant d’évaluer la réponse immunitaire aux variants du SRAS-CoV-2 à la suite d’une vaccination ou d’une infection.

Bien que leurs réalisations soient trop nombreuses pour être énumérées ici, voici une sélection qui illustre l’héritage du travail du pilier 4.

Objectifs atteints!

Compte tenu de la rapidité de l’évolution du SRAS-CoV-2, l’objectif du pilier 4 consistant à créer et à distribuer des réactifs à base de protéines et de plasmides pour les variants du SRAS-CoV-2 représentait une tâche énorme[1]. Souvent, alors que les réactifs pour un variant donné étaient mis au point et testés, de nouveaux variants commençaient à apparaître, et seul le temps permet de déterminer quel variant est désigné comme variant préoccupant (VP).

Malgré cela, et en dépit des défis logistiques supplémentaires liés à la réception rapide d’envois pendant la période des Fêtes qui a coïncidé avec l’émergence d’Omicron et la fermeture des frontières, le pilier 4 a permis de générer plus de 30 ADN de spicules de variants pour des essais de neutralisation et des études plus approfondies. À la fin de l’année 2024, plus de 100 échantillons d’ADN de spicules avaient été distribués à au moins 16 laboratoires au Canada et à l’étranger. Des instructions sur la manière de générer des particules pseudo-virales (PPV) et de réaliser des essais de neutralisation des PPV pour tester des échantillons de sérum afin de détecter des anticorps neutralisants protecteurs en utilisant ces constructions d’ADN ont également été distribuées sur demande.

Un autre objectif du pilier 4 était de créer des essais bien validés pour tester les réponses immunitaires à divers VP. En utilisant des méthodes existantes, l’équipe a modifié un test pour rechercher dans le sérum la présence d’anticorps neutralisants qui peuvent bloquer les variants[2]. Elle a pu mesurer la capacité des anticorps présents dans le sérum à empêcher ou à « neutraliser » l’entrée de PPV dans les cellules. Chaque lot de PPV créé nécessite des tests de contrôle de la qualité afin de déterminer les quantités optimales de PPV par rapport aux anticorps bloquants à contrôle positif à utiliser en l’absence de sérum, de manière à pouvoir effectuer une comparaison de base pour chaque échantillon de sérum. Les chercheurs du pilier 4 ont constitué une petite bibliothèque de plus de 30 VP pour ces essais, dont les plus récents sont les variants JN.1 et KP.2.

Les piliers 4 et 6 (CAMEO, Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) ont collaboré à la mise au point de ces tests de neutralisation des pseudovirus. Les tests s’appuient sur le suivi et la modélisation de variants effectués par le pilier CAMEO pour identifier les VP les plus susceptibles de provoquer des perturbations majeures dans la santé des Canadiens à chaque vague successive d’infection par le SRAS-CoV-2. Les tests qui en résultent ont été largement utilisés dans plus de 20 études d’immunité face à la COVID-19 partout au pays, y compris dans des populations immunodéprimées.

« Le fait de disposer des ressources et du personnel nécessaires avant la création du réseau CoVaRR-Net a eu un impact positif majeur sur la capacité du pilier 4 à collaborer avec le pilier 6 et à identifier des variants importants, ce qui nous a permis de mettre en œuvre avec succès ces tests de PPV », affirme la Pre Anne-Claude Gingras, responsable du pilier 4 et Chercheuse principale, Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, Sinai Health System. « À leur tour, ces tests ont eu un impact sur la priorisation des vaccins pour les groupes vulnérables. »

En effet, la recommandation de santé publique selon laquelle les Canadiens âgés de plus de 65 ans et les patients immunodéprimés (y compris les greffés d’organes pleins, les personnes ayant subi une transplantation rénale ou de cellules souches, ou les patients sous immunosuppresseurs) devraient être vaccinés en priorité contre la COVID-19 n’aurait pas pu être mise en œuvre aussi rapidement sans le pilier 4. Le laboratoire d’Anne-Claude Gingras, responsable du pilier, à l’Université de Toronto, est l’une des deux installations à haut débit du pays (l’autre étant le laboratoire de Marc-André Langlois, directeur général du réseau CoVaRR-Net, à l’Université d’Ottawa) qui a été en mesure de mettre au point des tests et de tester tous les échantillons de sang provenant d’études menées dans tout le pays.

Dans le cadre d’un effort plus global visant à surveiller les variants et à atténuer les futures menaces de pandémie, le pilier 4 a pour objectif de créer des technologies permettant de dépasser les limites techniques des tests de neutralisation actuels en recourant au génie génétique et à des stratégies de biologie synthétique.

Les tests de PPV ont constitué la base des activités de recherche du pilier 4 du réseau CoVaRR-Net, mais les chercheurs sont actuellement limités à tester les VP sur des échantillons de sérum un par un, ce qui est réactif, laborieux et prend du temps. Cela retarde de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, l’évaluation de la formation d’anticorps neutralisants face à divers variants (et dans ce laps de temps, de nouveaux variants peuvent apparaître). Les équipes de recherche du pilier 4 s’appuient sur cette approche pour mettre au point des versions multiplexées de ces tests en utilisant une approche de marquage génétique afin de pouvoir mesurer la neutralisation de plusieurs VP – peut-être des dizaines (approche à débit moyen) ou des centaines (approche à débit élevé)  – en une seule fois.

« C’est une approche ambitieuse et folle, mais je pense qu’elle en vaut la peine et qu’elle est réalisable », déclare le Pr Nozomu Yachie, adjoint du pilier 4 et Professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique. « Cette technologie évolutive vise à produire et à cribler de multiples PPV de variants viraux synthétiques en moins d’étapes de pseudotypage et d’infection et pourrait être modifiée pour répondre aux futures menaces pandémiques. Bien que de la recherche soit en cours, des tests de démonstration de principe de l’approche à moyen débit, utilisant six variants à la fois, se sont révélés très prometteurs. »

Un impact durable

Bien que les travaux soient encore en cours, les chercheurs du pilier 4 ont laissé un héritage qui nous place déjà dans une bien meilleure position en cas de menace pandémique future.

Par exemple, les réactifs et les outils de la plateforme expérimentale élaborés par le pilier 4 permettront aux futures recherches d’étudier comment les variants du SRAS-CoV-2 et d’autres éventuelles menaces pandémiques interagissent avec des protéines de l’hôte, telles que des anticorps, afin de rechercher des corrélats de protection contre l’infection ou la maladie.

L’équipe a également rassemblé une vaste collection de plasmides d’expression de l’ADN de spicule et a mis ces plasmides à la disposition d’autres chercheurs sur demande. Ces réactifs, distribués à de nombreux chercheurs au Canada et à l’étranger, soutiennent une recherche équitable et ouverte visant à mieux comprendre la fonction du SRAS-CoV-2 et à améliorer les résultats en matière de santé.

En termes d’impact sur la formation de la prochaine génération de chercheurs au Canada, le pilier 4 a permis de former 26 personnes hautement qualifiées (PHQ) pendant la pandémie, dont 20 grâce au financement du réseau CoVaRR-Net.

Enseignements tirés

Le réseau CoVaRR-Net nous a appris qu’il est avantageux de continuer à investir dans des laboratoires universitaires qui sont à la pointe de leur domaine. En fait, la réponse scientifique rapide du Canada à la pandémie de COVID-19 n’a été possible que grâce à des travaux universitaires antérieurs.

« Par exemple, les contributions du pilier 4 à l’étude du SRAS-CoV-2 n’ont été possibles (aussi rapidement qu’elles l’ont été) qu’en raison de son expertise préexistante dans la production de protéines virales et de ses recherches antérieures financées par les IRSC sur la protéine de spicule du coronavirus », explique la Pre Gingras. « De même, la mise en place et l’extension des tests de sérologie et de neutralisation du pilier 4, ainsi que la collaboration ultérieure avec les équipes cliniques, n’ont été possibles que grâce aux subventions de projets accordées avant la pandémie de COVID-19. »

En fin de compte, il s’est avéré essentiel de tirer parti des fonds, du personnel et d’autres ressources disponibles pour réagir rapidement à une pandémie. Ainsi, les laboratoires universitaires canadiens travaillant dans ces domaines devraient continuer à bénéficier d’un financement de base pour soutenir leurs efforts en temps de paix, de sorte qu’ils soient prêts à agir avec un investissement supplémentaire modeste lors de l’apparition d’une future pandémie.

[1] Les plasmides sont de petits morceaux circulaires d’ADN en dehors des chromosomes qui contiennent un ou plusieurs gènes d’intérêt et sont souvent utilisés par les scientifiques pour étudier la fonction des gènes en les introduisant dans les cellules.

[2] En principe, les PPV sont d’abord produites, puis elles sont dotées à leur surface des protéines de spicule du coronavirus (soit de type sauvage, soit d’un VP), un variant à la fois. À l’intérieur de la capside de la PPV se trouve un ARN de message codé pour une protéine rapporteure émettant de la lumière. Après incubation des PPV d’intérêt avec une lignée cellulaire de référence, le temps que l’infection et l’expression de la protéine se produisent, la fluorescence ou les unités de lumière peuvent être mesurées pour comparer la quantité de VP nécessaire pour une entrée virale de 0 à 100 %.