Jen Gommerman, Ph. D.
Coresponsable, Pilier Immunologie et protection vaccinale du réseau CoVaRR-Net
titulaire de la chaire en immunologie relative aux tissus
Professeure, Université de Toronto
Sarah Otto, Ph. D.
Codirectrice, pilier Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs (CAMEO) du réseau CoVaRR-Net
titulaire de la Chaire de recherche du Canada en évolution théorique et expérimentale
Professeure Killam, Université de la Colombie-Britannique
Ciriaco Piccirillo, Ph. D.
Coresponsable, Pilier Immunologie et protection vaccinale du réseau CoVaRR-Net
Scientifique principal, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
Professeur et directeur du programme d’études supérieures, Département de microbiologie et d’immunologie de l’Université McGill
Avec le retour des enfants et des adolescents à l’école, des étudiants à l’université, les Canadiens qui passent plus de temps à l’intérieur sur leur lieu de travail et lors de rassemblements sociaux, ainsi que la menace toujours présente de nouveaux variants, on s’attend à une huitième vague de COVID-19 cet automne. On ne sait pas quelle sera la vitesse ni la hauteur de cette prochaine vague, ni si elle sera déclenchée par un nouveau variant ou par la baisse de l’immunité contre les variants déjà présents.
Un nouveau vaccin bivalent ciblant à la fois le virus original « Wuhan » et le sous-variant BA.1 d’Omicron vient d’être approuvé par Santé Canada. Bien qu’il ait été démontré que ce vaccin renforce l’immunité chez les humains, les États-Unis ont déjà approuvé le vaccin bivalent de prochaine génération ciblant plutôt BA.5, sur la base d’essais effectués sur des souris. Les Canadiens devraient-ils attendre, pour leur prochaine dose de rappel, qu’un vaccin bivalent contre BA.4 ou BA.5 soit approuvé et disponible? Devraient-ils se faire vacciner avec le vaccin bivalent récemment approuvé contre le BA.1? Doivent-ils recevoir une dose de rappel d’un vaccin contre la COVID-19 monovalent existant si c’est tout ce qui est disponible au moment où ils sont admissibles? Devraient-ils plutôt attendre un vaccin efficace contre tous les coronavirus?
« Si vous êtes un jeune adulte ou un enfant en bonne santé, le vaccin bivalent contre le BA.1 offre une protection presque égale contre BA.1 et BA.5, d’après l’étendue des anticorps. C’est pourquoi nous recommandons le vaccin bivalent récemment approuvé, même si BA.5 est maintenant le variant dominant au Canada », déclare le Pr Ciriaco Piccirillo, coresponsable du pilier Immunologie et protection vaccinale du réseau CoVaRR-Net, scientifique principal à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et professeur à l’Université McGill. « Cela dit, même les vaccins originaux (monovalents) offrent une stimulation importante; le vaccin bivalent BA.1 n’offre qu’une modeste stimulation supplémentaire. Ce qui est important, c’est de se protéger avec n’importe quelle dose de rappel disponible, en particulier au début de cette prochaine vague pour maximiser la protection. »
« Les vaccins monovalents existants vous offrent toujours une forte protection contre les maladies graves, les hospitalisations et les décès », poursuit-il. « Cette protection ne disparaît pas contre les nouveaux sous-variants d’Omicron, comme BA.5, bien qu’elle soit réduite. Si vous avez accès à une dose de rappel d’un vaccin bivalent, prenez-la. Si le vaccin bivalent n’est pas disponible et que vous ne savez pas combien de temps vous devrez attendre, prenez celui qui est disponible », conseille-t-il.
Qu’est-ce qu’un vaccin bivalent?
Les vaccins bivalents contre la COVID-19 sont similaires aux vaccins à ARN originaux produits par Pfizer et Moderna, mais ils codent des instructions pour fabriquer deux versions différentes de la protéine de spicule du virus. Cela permet de préparer le système immunitaire à mieux reconnaître les différents variants du SRAS-CoV-2.
Le 1er septembre 2022, Santé Canada a approuvé le premier vaccin bivalent, qui cible à la fois la souche originale et le sous-variant BA.1 d’Omicron, à la suite d’études démontrant l’innocuité et la protection supérieure par anticorps chez les humains. En juin, la FDA américaine et Santé Canada ont toutefois demandé à Pfizer et à Moderna de reformuler leurs doses de rappel pour cibler les nouveaux sous-variants BA.4 et BA.5 qui dominent au Canada et dans une grande partie du monde.
Les deux fabricants sont revenus fin août avec ces nouvelles versions anti-BA.4 et BA.5, avec des données de performance chez la souris. Sur la base de ces données de laboratoire et de la similitude entre un vaccin bivalent ciblant BA.5 et BA.1, la FDA américaine a approuvé le nouveau vaccin bivalent la semaine dernière. On ne sait pas encore quand les versions anti-BA.4 et anti-BA.5 seront approuvées et disponibles pour les Canadiens.
« Étant donné qu’il s’agit de la première dose de rappel de vaccin bivalent jamais utilisée contre la COVID-19, il semble prudent d’attendre des données supplémentaires sur l’innocuité et l’efficacité chez l’humain avant de lancer le vaccin bivalent ciblant BA.5 », déclare la Pre Sarah Otto, coresponsable du pilier Biologie et modélisation informatiques du réseau CoVaRR-Net et professeure Killam à l’Université de la Colombie-Britannique.
Quelle est l’efficacité du vaccin bivalent ciblant BA.1?
Les données présentées par Moderna n’ont révélé aucune différence d’innocuité entre le vaccin original et le vaccin bivalent, ni aucun effet indésirable grave lié à l’un ou l’autre des vaccins.
« L’efficacité du vaccin a été évaluée en prélevant du sang de personnes vaccinées et en mesurant la concentration d’anticorps capables de neutraliser le SRAS-CoV-2 (c.-à-d. d’empêcher le virus d’infecter des cellules). Les anticorps capables de neutraliser BA.1 étaient 1,75 fois plus concentrés dans le sang des personnes ayant reçu le vaccin bivalent de rappel que dans celui des personnes ayant reçu le vaccin original de Moderna. Cela démontre que le système immunitaire s’était mieux adapté pour cibler BA.1 après le vaccin bivalent », explique la Pre Otto.
Une amélioration similaire a été observée contre BA.5, avec une augmentation de 1,69 fois des titres d’anticorps neutralisants après la dose de rappel de vaccin bivalent approuvé au Canada par rapport à une dose de rappel avec le vaccin original, selon un rapport du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI).
Bien que ces résultats démontrent que le vaccin bivalent approuvé au Canada protège mieux contre les variants d’Omicron, l’administration d’une dose de rappel avec le vaccin original est toujours bien meilleure qu’aucune dose de rappel, car une dose de rappel avec le vaccin original multiplie encore par 3,8 les niveaux d’anticorps neutralisants contre BA.1.
Il est urgent de mettre au point un vaccin pancoronavirus qui réduise les taux de transmission et d’infection
Le problème, bien sûr, est que les nouveaux vaccins de rappel bivalents sont adaptés aux protéines de spicule spécifiques présentes dans BA.1 ou BA.4/BA.5 échantillonné il y a plusieurs mois, ainsi que dans le variant de Wuhan échantillonné au début de la pandémie. Comme le virus continue d’évoluer, nous ne sommes peut-être pas beaucoup plus avancés.
Deux approches de vaccins pancoronavirus sont en train d’être mises au point. La première consiste à trouver des parties du virus qui restent les mêmes au cours de l’évolution, même parmi les différents coronavirus. Ces vaccins pancoronavirus pourraient théoriquement agir contre différents types de coronavirus et offrir une protection large et durable contre l’infection et les formes graves de la maladie dues aux nouveaux variants.
« La prochaine génération de vaccins contre les coronavirus ne ciblera pas seulement la protéine de spicule, mais aussi certaines protéines non spiculaires du virus que notre système immunitaire peut reconnaître, qui sont plus conservées ou ne mutent pas autant que la protéine de spicule. Ensemble, sous la forme d’un cocktail, les anticorps induits contre ces différentes protéines se lieraient au virus et aideraient le système immunitaire à identifier plus facilement les cellules infectées par les nouveaux variants et les autres types de coronavirus. Cela changerait la donne », déclare le Pr Piccirillo, qui effectue des recherches pour trouver des composants moléculaires qui pourraient être intégrés dans de futurs vaccins multivalents ou pancoronavirus.
Une deuxième approche consiste à renforcer l’immunité à l’endroit où le virus pénètre pour la première fois dans notre corps, à l’aide de vaporisateurs administrés par le nez ou la bouche. Plus d’une douzaine de vaporisateurs nasaux sont actuellement testés dans le cadre d’essais cliniques dans le monde entier, dont un que la Pre Jen Gommerman, co-responsable du pilier Immunologie et protection vaccinale du réseau CoVaRR, aide à piloter.
« Sur la base de données animales, il a été démontré que les doses de rappel de vaccins nasaux muqueux protègent contre les infections en plus des formes graves de la maladie. Étant donné que le système immunitaire présent dans le nez et la gorge produit des anticorps qui sont physiquement plus souples, nous avons des raisons de croire que les doses de rappels par administration nasale peuvent stimuler une réponse immunitaire mieux à même de faire face à divers variants », explique la Pre Gommerman, également titulaire de la chaire en immunologie relative aux tissus et professeure à l’Université de Toronto.
« À terme, nous espérons combiner ces approches et mettre au point un vaporisateur nasal panvariants ou pancoronavirus qui offre une protection large et durable contre les nouveaux variants du SRAS-CoV-2 et les coronavirus apparentés », ajoute la Pre Gommerman.
Réponse des experts : Obtenez la dose de rappel qui est disponible pour vous
Faudra-t-il attendre quelques semaines, un mois ou plus avant que des vaccins bivalents adaptés au BA.5 soient approuvés et disponibles pour vous et votre famille ici au Canada ? Ce n’est pas encore clair, surtout si l’on considère tous les groupes d’âge.
« Ce qui est clair, c’est que le sous-variant BA.5 reste prévalent dans les communautés partout au Canada et que la protection immunitaire contre l’infection diminue, en particulier chez les personnes qui ont été vaccinées ou infectées au début de la vague d’Omicron », affirme la Pre Otto. « La modélisation de cette baisse de l’immunité suggère que la prochaine vague commencera ce mois-ci ou le mois prochain, même sans un variant plus transmissible, mais nous pouvons maintenir cette prochaine vague à un faible niveau si de nombreux Canadiens choisissent de recevoir une dose de rappel. »
« Nous ne savons pas ce qui se passera à l’automne en ce qui concerne la huitième vague de COVID-19 ou quand des vaccins bivalents adaptés aux sous-variants BA.4 et BA.5 seront approuvés et disponibles pour les Canadiens. Si votre dernière dose remonte à plusieurs mois et que vous n’avez pas été infecté récemment, il est indiqué de recevoir la dose de rappel qui est disponible », estime la Pre Gommerman.
Le CCNI recommande d’attendre trois mois après une infection avant de se faire vacciner à nouveau et de trois à six mois entre les doses, mais il a également déclaré dans ses dernières directives que toute personne présentant un risque élevé de développer une forme grave de la COVID au Canada devrait se faire proposer une dose de rappel à l’automne.
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