Pilier 10
Stratégies et thérapeutiques antivirales

Des experts du réseau CoVaRR-Net ont utilisé des ordinateurs pour concevoir stratégiquement un nouveau médicament appelé C5a comme traitement alternatif au Paxlovid pour la COVID-19. Il est prouvé que le C5a demeurera résistant aux changements du virus SARS-CoV-2, ce qui pourrait le rendre efficace contre de futurs coronavirus émergents, alors qu’il est possible que le Paxlovid cesse d’être efficace en cas de nouvelles mutations du virus. De plus, le C5a cible une protéine virale dont l’efficacité contre la COVID-19 a déjà été démontrée et dont les effets secondaires sont limités.

Cette découverte a été menée par le Pr François Jean, responsable du Pilier 10 du réseau CoVaRR-Net, Stratégies et thérapeutiques antivirales, et ses collègues, dont la Pre Natalie Strynadka (adjointe du Pilier 10 du réseau CoVaRR-Net et professeur de biochimie et de biologie moléculaire à l’Université de Colombie-Britannique [UBC]) et le Pr Artem Cherkasov (professeur à la Faculté de médecine de l’UBC). La recherche a été réalisée grâce à un financement fourni en partie par le réseau CoVaRR-Net.

« Je pense que nous sommes sur le point de voir le SRAS-CoV-2 muter suffisamment pour échapper à tous les traitements restants », a déclaré le Pr François Jean, professeur agrégé de virologie à l’université de Colombie-Britannique. « Nos antiviraux de nouvelle génération en cours de développement, tels que le C5/C5a, ont le potentiel de combler des lacunes importantes en matière de traitement à court terme associées aux variants BA.2 tels que BA.2.86 et d’assurer une préparation future à long terme. »

Les traitements qui ralentissent ou arrêtent la propagation du SRAS-CoV-2 chez des personnes infectées sont devenus un outil important pour limiter les effets néfastes de la COVID-19. Au Canada, deux médicaments sont approuvés pour les personnes présentant des symptômes légers à modérés et présentant un risque plus élevé de maladie grave : Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir) et Remdesivir (Veklury). Ces traitements aident à prévenir l’aggravation des symptômes et sont plus efficaces lorsqu’ils sont administrés peu de temps après l’apparition des symptômes. Le traitement par Paxlovid au cours des premiers stades de la COVID-19 peut également réduire le risque de développer des complications post-COVID (telles que la COVID longue).

Les deux médicaments ciblent une protéine spécifique du virus appelée 3CLpro (pro est l’abréviation de protéase, une protéine qui coupe et active d’autres protéines virales nécessaires à l’infection). Le C5a est aussi efficace que le Paxlovid pour bloquer le variant très pathogène Delta du SARS-CoV-2, ainsi que les variants extrêmement transmissibles d’Omicron, notamment BA.2, BA.5, BQ1.1 et XBB.1.5. Étant donné que le SRAS-CoV-2 continue d’évoluer plus rapidement que les nouveaux médicaments et vaccins, il est important que tout nouveau traitement contre la COVID-19 soit capable de résister à un large éventail de changements dans le virus. Le C5a s’est également avéré efficace contre un parent plus éloigné du SRAS-CoV-2, le coronavirus 229E, qui peut causer le rhume. Il s’agit d’une preuve supplémentaire que le C5a restera résistant aux changements qui continuent de se produire dans le SARS-CoV-2 et qu’il pourrait également être efficace contre de futurs coronavirus émergents.

Plusieurs échantillons du virus SRAS-CoV-2 prélevés sur des personnes infectées au Canada contiennent des mutations susceptibles d’empêcher le Paxlovid d’agir. Si ces mutations se généralisent, le Paxlovid pourrait perdre son utilité. Le C5a cible une partie différente de la 3CLpro que le Paxlovid. Sur la base des expériences réalisées pour comprendre l’interaction physique entre la 3CLpro et le C5a, nous avons constaté que le C5a devrait toujours interagir avec la 3CLpro en présence de mutations qui limiteraient l’efficacité du Paxlovid.

Le principal avantage du C5a est qu’il cible une protéine virale dont l’efficacité contre la COVID-19 a déjà été démontrée et qu’il provoque des effets secondaires limités. Dans cette optique, l’équipe du Pr Jean a trouvé un profil de sécurité favorable du C5a dans les cellules du poumon et du côlon. Deux autres médicaments prometteurs identifiés par son équipe sont le N-0385, qui cible une protéine humaine nécessaire au virus pour pénétrer dans les cellules, et le Bafilomycine D, qui cible une autre protéine humaine utilisée par le virus pour se propager une fois qu’il a pénétré dans les cellules. Dans cette étude, l’équipe du Pr Jean a montré que le C5a agit en synergie lorsqu’il est utilisé en combinaison avec le N-0385 ou la Bafilomycine D. Cela signifie que les deux médicaments sont plus efficaces lorsqu’ils sont utilisés avec le C5a que lorsqu’ils sont utilisés seuls et que des quantités plus faibles de médicaments seraient nécessaires pour le traitement. Les traitements qui combinent plusieurs médicaments rendent également plus difficile pour le virus d’échapper au traitement par le biais de mutations.

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A novel class of broad-spectrum active-site-directed 3C-like protease inhibitors with nanomolar antiviral activity against highly immune-evasive SARS-CoV-2 Omicron subvariants. Jimena Pérez-Vargas, Liam J. Worrall, Andrea D. Olmstead, Anh-Tien Ton, Jaeyong Lee, Ivan Villaneuva, Connor A. H. Thompson, Svenja Dudek, Siobhan Ennis, Jason R. Smith, Tirosh Shapira, Joshua De Guzman, Shutong Gang, Fuqiang Ban, Marija Vuckovic, Michael Bielecki,  Suzana Kovacic, Calem Kenward, Christopher Yee Hong, Danielle G. Gordon, Paul N. Levett, Mel Krajden, Richard Leduc, Pierre Luc Boudreault, Masahiro Niikura, Mark Paetzel, Robert N. Young, Artem Cherkasov, Natalie C. J.Strynadka, François Jean. Emerging Microbes & Infections.2023.08.09.2246594; https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/22221751.2023.2246594