Kimberly Huyser

Kimberly R. Huyser

Responsable du pilier 7, Mobilisation, développement et recherche autochtones (CIEDAR), du réseau CoVaRR-Net et professeure agrégée à l’Université de Colombie-Britannique

Mary G. Jessome

Responsable de la recherche, Pilier 7 CIEDAR du réseau CoVaRR-Net et candidate au doctorat, Université de la Colombie-Britannique

Tamara Chavez

Gestionnaire de projet, Pilier 7 CIEDAR du réseau CoVaRR-Net, Université de la Colombie-Britannique

« Les voix autochtones ne sont généralement pas entendues dans la recherche parce que les données ne sont pas recueillies », déclare Kimberly R. Huyser, responsable du Pilier 7, Mobilisation, développement et recherche autochtones (CIEDAR), du réseau CoVaRR-Net et professeure agrégée à l’Université de la Colombie-Britannique. « Au sein du Pilier CIEDAR, nous nous efforçons de combler ces lacunes en matière de recherche en utilisant des données publiques, de même qu’en allant directement puiser dans des études communautaires, telles que notre projet « Hearing Indigenous Voices in the COVID-19 Pandemic » (Écouter les voix autochtones durant la pandémie de COVID-19).

Les populations autochtones du Canada ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie. « Le taux de COVID-19 chez les membres des Premières Nations vivant dans une réserve était beaucoup plus élevé que dans la population canadienne générale au début de la pandémie et les Autochtones étaient également plus susceptibles d’être hospitalisés en raison de la COVID-19 que les autres groupes raciaux et ethniques. Ces taux élevés résultent de facteurs liés au racisme structurel et au colonialisme, ce qui crée des lacunes importantes dans la recherche sur la santé concernant les expériences et les besoins des populations autochtones et les solutions efficaces », ajoute la Pre Huyser.

Lutter contre les vulnérabilités sociales qui augmentent les risques sanitaires liés à la COVID-19

Dans leur étude intitulée « Understanding the Associations among Social Vulnerabilities, Indigenous Peoples, and COVID-19 Cases within Canadian Health Regions (Comprendre les associations entre les vulnérabilités sociales, les populations autochtones et les cas de COVID-19 dans les régions sanitaires canadiennes) », publiée en 2022 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, les chercheurs du CIEDAR ont constaté que les indicateurs sociaux du racisme structurel et du colonialisme, tels que les logements insalubres, les taux de chômage plus élevés et les temps de trajet plus longs, étaient associés à des taux plus élevés de COVID-19.

« Nous avons utilisé les données publiques de 99 régions sanitaires canadiennes pour étudier comment les principaux déterminants sociaux de la santé contribuent à l’impact de la COVID-19 sur la santé des Autochtones. Les principales implications de cette recherche sont qu’un soutien systémique doit être apporté aux populations autochtones pour relever les défis liés aux facteurs sociaux tels que le chômage, les besoins en matière de transport et le logement, afin d’atténuer les effets sur la santé de la COVID-19 et des futures pandémies », déclare la Pre Huyser. « Le gouvernement canadien devrait recueillir des données précises et fiables sur les cas de COVID-19 en distinguant les différentes identités autochtones (données désagrégées) », déclare Tamara Chavez, gestionnaire de projet au CIEDAR.

Améliorer l’accès aux cliniques de vaccination et réduire les sentiments de méfiance

Dans leur étude intitulée « Understanding Indigenous Peoples’ Relationship to Vaccines » (Comprendre la relation des peuples autochtones avec les vaccins), présentée sous forme d’affiche primée lors de la Réunion du printemps 2023 du réseau CoVaRR-Net, les chercheurs du CIEDAR ont identifié et classé les différentes raisons expliquant la motivation et l’hésitation envers la vaccination chez les peuples autochtones, ainsi que les endroits où ils sont le plus susceptibles d’avoir accès aux vaccins. Ils ont constaté que la vaccination était fortement motivée par la protection de la santé personnelle, familiale et des aînés. Les principales raisons de ne pas se faire vacciner étaient la méfiance à l’égard de la sécurité et de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19. Les cliniques de vaccination étaient de loin le lieu le plus populaire pour avoir accès aux vaccins, comparativement aux pharmacies, aux cliniques de santé publique, aux cliniques médicales ou aux cabinets de médecins.

« Nos résultats suggèrent que l’accès aux cliniques de vaccination devrait être prioritaire en cas d’éclosions infectieuses futures. Les décideurs politiques et les chercheurs devraient également continuer à travailler avec les communautés autochtones afin de réduire les sentiments de méfiance à l’égard des interventions médicales telles que les vaccins », déclare la Pre Huyser.

L’étude sur les vaccins est un exemple des recherches menées dans le cadre de l’enquête à grande échelle « Des voix autochtones durant la pandémie » du CIEDAR. Le projet permet aux chercheurs du CIEDAR d’évaluer l’expérience des populations autochtones face à la pandémie, d’étudier les facteurs sociaux susceptibles de protéger ou d’accroître leur vulnérabilité face à la COVID-19 et aux variants préoccupants, les ressources utilisées pour les problèmes de santé mentale et la volonté de participer à la recherche.

Améliorer la santé des Autochtones grâce à des camps de guérison axée sur la terre et au perlage

Le CIEDAR s’est associé à la Taché Waters Healing Society pour mettre au point un camp de guérison axée sur la terre pour les animateurs, ancré dans la culture autochtone afin de promouvoir la guérison des effets persistants du colonialisme (disparités en matière de santé, isolement et manque de services) exacerbés par la pandémie. « Le camp était situé dans un endroit extrêmement isolé et comprenait des activités traditionnelles telles que la cueillette de baies, le canoë, la pêche, le montage de tentes et de tipis, et la fabrication de tambours autour d’un feu. Les camps de guérison axée sur la terre présentent de nombreux avantages documentés, tels que la réduction de la toxicomanie et l’amélioration de la santé physique et mentale », explique Mary Jessome, responsable de la recherche au CIEDAR et candidate au doctorat à l’UBC.

« La terre a également servi de catalyseur à un processus de réconciliation entre les animateurs autochtones et non autochtones de cette étude pilote. L’expérience a permis aux animateurs du camp de modifier leur conception de la santé et du bien-être, d’une conception occidentale à une conception du bien-être comme processus holistique », ajoute Mary Jessome. « Nous sommes ravis de piloter un camp de guérison axée sur la terre pour les participants l’été prochain. »

Les compétences culturelles et les enseignements ancestraux, tels que le perlage, sont d’autres moyens que les peuples autochtones ont trouvés pour s’épanouir, améliorer leur bien-être, et réduire leur niveau de stress pendant et après la pandémie. « Notre campagne sur les médias sociaux, #PerlerPourProspérer, a constitué un moyen efficace d’inciter les membres de diverses communautés autochtones à commencer à faire du perlage. Nous avons organisé des ateliers et des cours en ligne afin d’accroître l’engagement de la communauté lorsque des événements en présentiel étaient organisés. Plus de 700 trousses de perlage ont été distribuées aux peuples autochtones et aux organisations partout au pays », explique la Pre Huyser.

Amplifier les voix autochtones par le biais de diverses initiatives de recherche

Le CIEDAR joue également un rôle important pour amplifier les voix autochtones dans la recherche en offrant de la formation et des conseils au réseau CoVaRR-Net sur les principes d’un engagement réussi avec les communautés autochtones dans des projets de recherche. « Les chercheurs doivent impliquer les communautés autochtones en tant que partenaires dans la conception et la conduite de la recherche bien avant de commencer à recueillir des données », explique la Pre Huyser.

Un conseil consultatif autochtone composé d’anciens, de gardiens du savoir et d’autres acteurs clés fournit des conseils et des commentaires sur les divers projets de recherche du CIEDAR. Il s’agit notamment d’une série de balados en quatre parties sur l’épanouissement des populations autochtones et sur le nouveau récit de la pandémie deCOVID-19. Le balado « (Re)Story » vise à revenir aux connaissances et aux récits autochtones concernant notre lien avec la terre, les autres et nous-mêmes. « C’est un moyen pour les Autochtones de se faire entendre en utilisant leur propre voix et en partageant des histoires sur la façon dont ils ont prospéré et surmonté les défis posés par la COVID-19 au cours des trois dernières années », dit-elle.

Le CIEDAR a également été actif à l’échelle internationale, assurant la liaison avec d’autres groupes autochtones dans le monde afin de partager, entre autres, les leçons apprises de l’expérience. Ce pilier du réseau CoVaRR-Net a organisé un symposium hybride intitulé « Hearing Indigenous Voices During the COVID-19 Pandemic Symposium » en collaboration avec UBC Health en juin 2023. Des universitaires autochtones du Canada, des États-Unis et de Nouvelle-Zélande y ont participé et ont discuté des enseignements tirés de la recherche et de la résilience autochtone pendant la pandémie.

La Pre Huyser et Tamara Chavez, gestionnaire de projet au CIEDAR, estiment que l’une des principales leçons tirées de toutes leurs activités de recherche est que les populations autochtones doivent être des partenaires de la recherche communautaire afin de faire entendre leur voix et d’être davantage impliquées dans la conduite de leurs propres initiatives de santé publique.

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