Cheryl Camillo

Cheryl A. Camillo, PhD

Adjointe du pilier Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale du réseau CoVaRR-Net
Professeure adjointe, École supérieure de politique publique Johnson Shoyama, Université de Regina

Caroline Colijn

Caroline Colijn, PhD

Adjointe du pilier Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs (CAMEO) du réseau CoVaRR-Net
Professeure, Université Simon Fraser, Chaire de recherche Canada 150 en modélisation mathématique de l’évolution des agents pathogènes et santé publique

Nazeem Muhajarine

Nazeem Muhajarine, PhD

Codirecteur du pilier Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale du réseau CoVaRR-Net
Professeur, Université de la Saskatchewan

Deux ans après le début de la pandémie de COVID-19, les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada ont modifié leurs politiques relatives à la pandémie en levant les obligations relatives aux masques, les exigences liées au passeport vaccinal, les limites de capacité et d’autres mesures de santé publique. Les provinces de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba ont été les premières à lever la plupart des restrictions majeures, tandis que les autres provinces et territoires ont assoupli les protections de diverses manières et selon des calendriers différents peu après.

Il incombe maintenant aux particuliers et aux entreprises de se poser la question suivante : est-il prudent de lever toutes les mesures de santé publique et de retirer le masque ou les Canadiens devraient-ils choisir de maintenir leurs habitudes de protection? Les experts du réseau CoVaRR-Net optent pour la seconde option. Bien que les Canadiens aient hâte que le printemps et l’été reviennent à la normale, la réalité est que la COVID est toujours là, qu’elle se propage dans d’autres parties du monde et que le Canada pourrait s’attendre à une nouvelle vague.

L’impact de la levée des mesures de santé publique sur la transmission et les infections

La modélisation informatique et l’analyse des données effectuées par les experts du réseau CoVaRR-Net prévoient que les infections à la COVID-19 chez les Canadiens sont susceptibles d’augmenter après la levée des restrictions pandémiques, en raison des effets combinés de l’assouplissement des mesures de protection et de l’avantage de croissance du sous-variant BA.2 Omicron, plus transmissible. Si les restrictions n’avaient pas été levées dans certaines provinces en février et dans tout le Canada en mars, l’avantage de croissance du BA.2 aurait probablement surmonté le déclin des infections, ce qui aurait conduit à des niveaux relativement stables jusqu’à l’été.

« Bien qu’il y ait beaucoup d’inconnues, avec les effets combinés de la hausse du BA.2 et de l’assouplissement des mesures de santé publique, le nombre d’infections au Canada devrait atteindre entre 230 000 et 300 000 nouvelles infections par jour en mai, sur la base d’une augmentation de 15 % ou 30 % de la transmission. Ce chiffre est nettement supérieur au niveau d’infections (moins de 150 000 par jour) qu’il y aurait eu si les restrictions n’avaient pas été levées. Le nombre d’infections devrait être beaucoup plus élevé que les cas signalés, puisque nous n’effectuons des tests de dépistage et des signalements que pour une minorité d’infections », explique la Pre Caroline Colijn, adjointe du pilier Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs (CAMEO) du réseau CoVaRR-Net, professeure à l’université Simon Fraser et titulaire de la chaire de recherche Canada 150 en modélisation mathématique de l’évolution des agents pathogènes et santé publique. « Les mesures de sécurité publique telles que la distanciation physique et le port du masque se sont avérées efficaces au cours de la pandémie. Nos modèles suggèrent clairement que la suppression des précautions entraînera une augmentation du nombre d’infections », déclare la Pre Colijn.

Étant donné que les taux de transmission et d’infection devraient augmenter de manière significative après la levée des restrictions, les risques sanitaires seront plus élevés pour les individus et les familles dans la communauté, les écoles et les lieux de travail, en particulier pour les populations vulnérables.

L’augmentation du nombre d’infections peut également se traduire par une augmentation du nombre d’hospitalisations et de décès, même si le taux élevé de vaccination et de doses de rappel offre un niveau élevé de protection contre les maladies graves.

La réduction des mesures de santé publique transfère l’évaluation et la gestion des risques aux individus

L’une des principales conséquences de la levée des restrictions pandémiques est que la responsabilité de l’évaluation et de la gestion des risques de transmission, du risque d’infection, de maladie grave et de décès dus à la COVID-19 est transférée aux individus, aux familles, aux employeurs, aux organisations et aux entreprises. Les individus doivent choisir de porter ou non un masque à l’intérieur pour se protéger et protéger les autres, de recevoir une dose de rappel de vaccin, de passer un test antigénique rapide ou de trouver et de recevoir un test PCR lorsqu’ils présentent des symptômes et de s’isoler pendant cinq jours s’ils sont déclarés positifs à une infection.

Le danger est que de nombreux Canadiens puissent supposer ou croire que parce que les restrictions ont été levées, les risques ont également été réduits ou éliminés. Ils pourraient alors choisir de ne pas utiliser des outils de prévention dont l’efficacité est prouvée. « Il existe aujourd’hui une perception selon laquelle la COVID recule et le danger est écarté, mais les responsables publics doivent dire aux gens que la COVID n’a pas soudainement disparu. Elle continue d’envoyer des gens à l’hôpital, de provoquer des incapacités à long terme et, parfois, d’entraîner la mort », déclare le Pr Nazeem Muhajarine, co-responsable du pilier Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale du réseau CoVaRR-Net et professeur à l’Université de la Saskatchewan.

« Les individus et les familles devront procéder à leur propre évaluation des risques et il sera encore plus important que les gens utilisent les outils de prévention dont nous disposons pour gérer leurs propres risques et ceux des autres », ajoute-t-il.

Des enjeux sociaux, économiques et de santé mentale ont forcé les gouvernements à assouplir les mesures

Deux années de lassitude croissante à l’égard de la pandémie, de perturbations économiques, de problèmes de santé mentale et de frustrations sociales, qui ont culminé avec les manifestations des convois de camionneurs, ont toutes fait pression sur les gouvernements pour qu’ils suppriment les mesures de lutte contre la pandémie. « Tout comme la tendance sociale à dépeindre et à percevoir les mesures de lutte contre la pandémie comme des restrictions à la liberté sociale et personnelle plutôt que comme des protections de la santé publique et personnelle », explique la Pre Cheryl Camillo, adjointe du pilier Impacts sur la santé publique, les systèmes de santé et la politique sociale du réseau CoVaRR-Net et professeure adjointe à la Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy de l’Université de Regina.

« En Alberta et en Saskatchewan, les messages publics se sont concentrés sur la liberté et sur le fait de dire « nous voulons retrouver notre liberté ». Ce n’est pas par coïncidence, mais délibérément, qu’au moment où les camionneurs manifestaient à Ottawa, le gouvernement de la Saskatchewan annonçait qu’il allait assouplir sa politique concernant la preuve de vaccination », fait remarquer le PMuhajarine.

« Les gouvernements changent leurs messages, voulant montrer les aspects positifs de la levée des restrictions », explique la Pre Camillo. « Il aurait été préférable de lever les protections plus progressivement, car si les mesures ne sont pas réduites de manière sérieuse et réfléchie, il y aura des conséquences négatives qui pourraient nous affecter pendant longtemps. Le principal message utilisé par certains gouvernements était « nous devons apprendre à vivre avec la COVID ». Malheureusement, cela pourrait aussi signifier qu’il faut s’habituer à ce que des personnes tombent malades, s’absentent du travail, aient des répercussions à long terme sur leur santé et meurent de la COVID, si aucune précaution n’est prise. »

Estimation des nouvelles infections par jour au Canada (novembre 2021-juillet 2022)

Légende :

Ligne verte : Aucune augmentation supplémentaire avec le BA.2 (les mesures de santé publique restent en place)
Ligne bleue : Augmentation de 15 % de la transmission (abandon des mesures de santé publique)
Ligne orange : Augmentation de 30 % de la transmission (abandon des mesures de santé publique)

Estimation des nouvelles infections par jour au Canada (zoom sur novembre 2021-juillet 2022) Mars 2022-Juillet 2022

Légende :

Ligne verte : Aucune augmentation supplémentaire avec le BA.2 (les mesures de santé publique restent en place)
Ligne bleue : Augmentation de 15% de la transmission (abandon des mesures de santé publique)
Ligne orange : Augmentation de 30% de la transmission (abandon des mesures de santé publique) 

Ces graphiques illustrent les nouvelles infections quotidiennes projetées selon trois scénarios de modèle : a) aucune augmentation de la transmission, b) une augmentation de 15 %, et c) une augmentation de 30 %. Le modèle utilise un avantage de transmission de 40 % pour le sous-variant Omicron BA.2 pour les trois scénarios. Les«  rubans » (zones ombragées dans la couleur appropriée) montrent que les projections présentent une grande incertitude. De plus, le modèle utilise une augmentation de 15 % et de 30 % de la transmission pour représenter l’abandon du port du masque et d’autres mesures de santé publique, car on ne sait pas exactement quel sera l’impact sur la transmission. L’absence d’augmentation de la transmission correspond au maintien des mesures de santé publique. Les projets sont une compilation des projections pour les provinces canadiennes.

Le conseil des experts : ne jetez pas vos masques et obtenez une dose de rappel

Alors, que sont censés faire les Canadiens? Avec l’arrivée du printemps et l’assouplissement des restrictions, les gens peuvent vivre une vie plus normale – mais plus sécuritaire – avec la COVID en choisissant d’adopter des précautions éprouvées pour se protéger contre le risque plus élevé d’une exposition accrue à d’autres personnes et au BA.2 ou au prochain variant qui se pointe à l’horizon. « Porter un masque à l’intérieur est l’une des premières choses que les gens peuvent faire. Il s’agit d’un très, très petit inconvénient pour un gain énorme en matière de prévention. Nous ne voulons pas laisser tomber les masques tout de suite », affirme le Pr Muhajarine.

Même si l’obligation de porter un masque est levée, les messages du gouvernement devraient insister sur les avantages du port du masque en tant que bonne pratique, notamment la réduction substantielle de la prévalence à long terme de la COVID, l’allègement du fardeau inéquitable de la pandémie et la protection des Canadiens contre l’augmentation et l’impact inconnus des nouveaux variants et l’efficacité des doses de rappel qui s’amenuise.

Pour les personnes qui n’ont pas encore reçu de dose de rappel de vaccin, il conseille de le faire maintenant afin qu’elles puissent jouir d’une plus grande liberté et vivre en toute sécurité avec la COVID au fur et à mesure que les restrictions s’atténuent. « Voyagez, si vous le souhaitez, mais prenez ces précautions raisonnables, car vous ne connaissez pas le statut vaccinal des personnes que vous rencontrez. Si vous présentez des symptômes de la COVID, faites-vous tester (ou faites un autodépistage à l’aide d’un test antigénique rapide) et restez chez vous. C’est la bonne chose à faire en tant que personne responsable et attentionnée », déclare le Pr Muhajarine. Assurer une bonne ventilation et sortir à l’extérieur lorsque c’est possible sont également des moyens de réduire la transmission et comme les masques, ces mesures présentent des avantages au-delà de la COVID pour prévenir d’autres infections respiratoires.

Pour aider les personnes sur le lieu de travail à prendre la décision responsable de s’isoler, la Pre Camillo souligne l’importance des mesures gouvernementales telles que les congés maladie payés obligatoires et l’accès à des tests PCR gratuits. « Si ces politiques ne sont pas en place, de nombreux travailleurs ne pourront pas se permettre de prendre des congés pour s’isoler. Les personnes occupant des emplois faiblement rémunérés et ne bénéficiant pas d’avantages sociaux tels qu’une assurance maladie privée (pour payer le dépistage) ou une garde d’enfants sur place sont plus susceptibles de tomber malades ou de perdre leurs revenus si, comme le laissent présager les modèles, le virus continue de se propager alors qu’aucune protection économique ou de santé publique n’est mise en place. Je pense également que la suppression par le gouvernement des restrictions en cas de pandémie devrait être liée à l’augmentation du taux d’administration de doses de rappel des vaccins », dit-elle.

Se préparer aux futures vagues et aux nouveaux variants

Avec la levée des restrictions, les Canadiens doivent encore se préparer à de futures vagues de COVID-19 et à la possibilité qu’apparaissent de nouveaux variants à l’automne, ou peut-être plus tôt, car l’Europe et l’Asie font actuellement face à une augmentation des cas et cette augmentation des cas se propageront au Canada avec l’ouverture des frontières. « Omicron est apparu très rapidement et sa propagation a été fulgurante. Le prochain variant pourrait être plus contagieux ou plus mortel », explique le Pr Muhajarine.

Les choix que font les Canadiens en matière de port de masque, de vaccination, de dépistage et d’isolement peuvent faire une énorme différence dans la réduction des risques associés à la levée des restrictions. « Nous disposons aujourd’hui de beaucoup plus d’outils pour gérer la pandémie. Les gouvernements, les responsables de la santé publique, les employeurs, les entreprises, les communautés et les Canadiens doivent gérer l’assouplissement des protections personnelles de manière réfléchie en gardant à l’esprit la santé des autres personnes », conclut la Pre Camillo.

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