Rob Delatolla
Directeur, Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées du CoVaRR-Net
Professeur, Université d’Ottawa
Rees Kassen
Chef de projet de l’initiative CUBE (Coronavirus dans l’environnement bâti urbain)
Membre, initiative CAMEO (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) du réseau CoVaRR-Net
Fiona Brinkman
Adjointe, initiative CAMEO (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) du réseau CoVaRR-Net
Professeure, Université Simon Fraser
Parallèlement à l’effervescence des Fêtes, de nombreux Canadiens devront faire face à une triade de virus respiratoires, dont la grippe, le VRS et des hausses des cas de COVID-19 dans de nombreuses régions du pays. C’est ce qui ressort des données observées à l’aide de l’arsenal d’outils mis au point par le réseau CoVaRR-Net, qui permet de suivre ces agents pathogènes rapidement et de manière inclusive.
La surveillance des agents pathogènes dans les eaux usées et dans d’autres environnements permet de mesurer l’incidence de maladies de manière plus générale. De plus, elle permet généralement de détecter l’augmentation de l’incidence de maladies dans les communautés, ce qui constitue un système de détection précoce essentiel pour les menaces sanitaires préoccupantes. Les chercheurs du réseau CoVaRR-Net ont maintenant mis au point de nombreux outils de surveillance afin d’analyser plus précisément les données, en particulier celles relatives à la surveillance des eaux usées, des analyses de surface et des eaux douces.
EAUX USÉES
Les eaux usées ne se résument pas à ce que nous jetons dans les égouts. Elles constituent une mine de données sur la santé de la société. L’augmentation du nombre de cas de COVID-19 dans de nombreuses régions du pays, associée à la propagation du VRS et de la grippe, souligne l’importance de l’analyse des eaux usées.
« La situation n’est pas très bonne en ce moment », déclare le Pr Rob Delatolla, directeur du Groupe de recherche sur la surveillance des eaux usées du réseau CoVaRR-Net, ingénieur civil et professeur à l’Université d’Ottawa. « La quantité de SARS-CoV-2 dans les eaux usées au Canada est élevée. Si l’on se réfère à la mesure maximale que nous avons observée dans les eaux usées, nous sommes bien au-dessus de 50 % de la mesure actuelle dans de nombreux endroits au Canada. Là encore, il s’agit de la mesure maximale qui a rarement été atteinte dans les eaux usées. Le point le plus haut des hauts. Cela signifie un niveau d’incidence élevé dans tout le Canada, et c’est ce qui se produit alors que nous observons également des taux élevés de virus respiratoire syncytial (VRS) en saison et une augmentation des mesures de la grippe dans les eaux usées. »
Alors que le nombre de cas de COVID continue de grimper, associé à la propagation du VRS et de la grippe, cette augmentation souligne l’importance de l’analyse des eaux usées. Il s’agit d’un outil utile pour avertir nos établissements de santé de l’augmentation du nombre d’hospitalisations.
Le Pr Delatolla indique que tout au long de la pandémie de COVID-19, la surveillance des eaux usées a révélé la présence du virus ou l’augmentation de sa propagation dans les communautés avant le diagnostic clinique. Cela s’est avéré bénéfique, en particulier pour les groupes sous-représentés et vulnérables sur le plan de la santé ou pour les communautés dont les services et les ressources sont limités. Au Canada, nous avons vu des exemples de détection précoce de maladies dans des établissements de soins de longue durée, des refuges pour sans-abri et des communautés isolées.
ANALYSES DE SURFACES
Lorsqu’elles sont atteintes de la COVID-19, les personnes symptomatiques et asymptomatiques libèrent des gouttelettes respiratoires qui se déposent sur différentes surfaces. L’écouvillonnage de ces surfaces permet aux chercheurs de détecter la présence de virus tels que le SRAS-CoV-2.
Le Pr Rees Kassen, chef de projet de l’initiative CUBE (Coronavirus dans l’environnement bâti urbain) et membre de l’initiative CAMEO (Analyse computationnelle, modélisation et résultats évolutifs) du réseau CoVaRR-Net, estime que l’analyse de surfaces représente un complément à l’analyse des eaux usées. L’analyse des surfaces offre une résolution plus fine que l’analyse des eaux usées. Elle permet d’effectuer une analyse pièce par pièce et de localiser les zones à risque du virus. À ce jour, CUBE a ciblé des établissements de soins de longue durée, des hôpitaux, des écoles et des bibliothèques publiques.
« Nous avons un indicateur très convaincant basé sur l’abondance du virus, ce qui nous permet de calculer le nombre de copies virales que nous pouvons obtenir sur nos écouvillons », explique le Pr Kassen. « Ces copies virales permettent de suivre des éléments tels que la charge de SRAS-CoV-2 chez les patients et le personnel des établissements de soins de longue durée et des hôpitaux. »
Les résultats des analyses de surfaces effectuées dans dix établissements de soins de longue durée entre septembre 2021 et novembre 2022 ont montré que les éclosions déclarées au niveau provincial pouvaient être anticipées dans un délai de cinq à dix jours dans huit des dix établissements de soins de longue durée.
Quelle est l’ampleur des analyses de surfaces en cours? Le Pr Kassen précise qu’il s’agit d’une pratique encore relativement récente. Elle s’est cependant avérée tout aussi efficace que d’autres mesures de surveillance et sa capacité à mettre en évidence les zones préoccupantes dans les lieux publics et les établissements de soins de santé s’est révélée inestimable.
« La COVID se trouve-t-elle dans un espace commun? Un couloir à l’extérieur d’une chambre de patient? Dans des zones réservées au personnel? Ces informations sont utiles aux personnes chargées du contrôle des infections dans ces établissements », explique le Pr Kassen.
À l’avenir, le Pr Kassen envisage d’étendre les analyses de surface, au-delà du SARS-CoV-2, à d’autres agents infectieux tels que des bactéries, en particulier des pathogènes qui présentent une résistance aux antibiotiques problématique dans les hôpitaux.
SURVEILLANCE DES EAUX DOUCES
La recherche de pathogènes dans l’eau potable et les autres eaux douces est également essentielle. La Pre Fiona Brinkman, adjointe de l’initiative CAMEO du réseau CoVaRR-Net et professeure à l’Université Simon Fraser, a conjointement mis au point des outils d’analyse et de visualisation des données en étudiant de multiples sources d’eau, y compris l’eau douce. Au fil des ans, elle a exploré une approche plus durable et holistique de la lutte contre les maladies infectieuses, ses recherches visant à comprendre et à détecter des agents pathogènes dans le contexte plus large de l’environnement.
« Il est devenu évident que nous devons examiner collectivement les agents pathogènes présents chez l’homme, dans d’autres formes de vie et dans l’environnement, y compris dans l’eau », déclare la Pre Brinkman. « L’eau est essentielle à toute forme de vie et elle les relie. Nous apprécions l’eau, non seulement parce qu’elle donne la vie, mais aussi parce qu’elle fournit de l’information. Nous en tirons des enseignements, en observant les microbes qu’elle transporte et leur évolution au fil du temps. »
Ce sont habituellement des méthodes d’analyse de l’ E. coli ou des coliformes qui sont utilisées pour évaluer la qualité de l’eau. Toutefois, comme le souligne la Pre Brinkman, tous les agents pathogènes ne sont pas des coliformes et tous les coliformes ne sont pas des agents pathogènes. C’est pourquoi elle collabore avec d’autres personnes afin d’améliorer les mécanismes de détection. Cela peut aider à mieux traiter les sources de mauvaise qualité de l’eau et à surveiller d’autres enjeux de société préoccupants, tels que la propagation de la résistance aux antimicrobiens.
Mis ensemble, les éléments de cet arsenal d’outils de surveillance constituent un système efficace de surveillance des pathogènes. Chaque méthode, lorsqu’elle est utilisée conjointement, peut contribuer à l’élaboration d’une stratégie globale visant à anticiper et à gérer les éclosions et à mettre en œuvre des mesures proactives pour aider à protéger les Canadiens.