François Jean
Responsable du pilier Stratégies et thérapeutiques antivirales
Professeur agrégé de virologie, Université de la Colombie-Britannique
Fondateur du Facility for Infectious Disease and Epidemic Research (FINDER) de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC)
Nathalie Grandvaux
Adjointe au pilier Stratégies et thérapeutiques antivirales
Professeure au Département de biochimie et médecine, Université de Montréal
Directrice adjointe scientifique – affaires étudiantes et postdoctorales, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM)
Les trois dernières années ont été riches en événements pour l’équipe du pilier 10 Stratégies et thérapeutiques antivirales du réseau CoVaRR-Net.
Dirigé par le Pr François Jean, professeur agrégé de virologie au Département de microbiologie et d’immunologie de l’Université de Colombie-Britannique et fondateur du centre FINDER (Facility for Infectious Disease and Epidemic Research) de l’UBC, le pilier 10 a permis des avancées significatives dans la recherche sur les antiviraux. Son principal objectif a été d’identifier et d’établir le profil d’efficacité des principaux antiviraux, seuls ou en combinaison avec d’autres composés, contre les variants émergents du SRAS-CoV-2 et d’autres virus humains présentant un potentiel pandémique.
« Nous essayons d’appliquer une méthodologie qui s’est avérée efficace contre certains des virus les plus connus, tels que le VIH et l’hépatite C, mais dans ce cas, contre le SRAS-CoV-2 », explique le Pr Jean.
L’une de ses principales réussites, qui a attiré l’attention du monde entier, a été la découverte révolutionnaire de produits naturels pour la mise au point de traitement pan-SRAS-CoV-2. L’équipe a étudié un catalogue de plus de 350 composés dérivés de sources naturelles, notamment de plantes, de champignons et d’éponges marines, dans le but de trouver de nouveaux médicaments antiviraux pour traiter des variants de la COVID-19 tels qu’Omicron. Ils ont identifié 26 composés qui réduisaient complètement l’infection virale par le SRAS-CoV-2, dont trois étaient capables de prévenir l’infection par le SRAS-CoV-2 dans les cellules pulmonaires humaines. L’un d’entre eux était une éponge de mer trouvée en Colombie-Britannique.
« Des équipes, dont la nôtre, ont cherché à utiliser des médicaments connus pour traiter le SRAS-CoV-2 », explique le Pr Jean. « Mais nous avons également souligné l’importance d’étudier des sources complémentaires d’antimicrobiens présentes dans des produits naturels pour obtenir un effet thérapeutique complet. »
Parmi les composés naturels sélectionnés, un sur cinq a montré une activité anti-SRAS prometteuse, avec un taux de réussite de 20 %, un résultat qui dépasse les normes de l’industrie. De plus, l’exploration par l’équipe de médicaments déjà approuvés et le criblage de composés à l’aide de l’intelligence artificielle mettent en évidence leur approche multidimensionnelle de la découverte de médicaments.
Une autre découverte majeure du pilier 10 a été une nouvelle molécule qui bloque le SRAS-CoV-2 et pourrait être développée en médicament en vaporisateur nasal contre la COVID-19. Un effort conjoint entre l’équipe du Pr Jean à l’UBC et du Pr Hector Aguilar-Carreno de l’Université Cornell, ainsi que les Prs Richard Leduc et Pierre-Luc Boudreault de l’Université de Sherbrooke, le composé spécialement conçu, appelé N-0385, bloque l’activité d’une enzyme humaine particulière, utilisée par le virus pour infecter une cellule hôte.
« Le N-0385 représente un ajout potentiel important à notre arsenal dans la lutte contre la COVID-19 », déclare le Pr Jean.
Quelques doses quotidiennes uniques de N-0385, administrées par voie nasale, ont amélioré de manière significative les résultats cliniques et la survie de souris génétiquement modifiées infectées par le SRAS-CoV-2, sans effets toxiques détectables. La protection a également été démontrée sur des cellules pulmonaires humaines de culture et des organoïdes (modèles d’infection quasi humains). L’équipe a testé le composé contre les variants Alpha, Beta, Gamma et Delta, mais l’étude a été réalisée avant la découverte du variant Omicron.
Plus récemment, les chercheurs du pilier 10 ont étudié les effets de courtes administrations du remdésivir (RDV), un médicament anti-COVID populaire, sur des patients atteints de la COVID-19 modérément malades et hospitalisés en Ontario. L’objectif était de trouver un moyen de réduire la résistance aux médicaments chez ces patients qui ont besoin du traitement pendant une longue période. L’équipe a constaté que les traitements de courte durée n’entraînaient pas de mutations résistantes aux médicaments. Elle a souligné l’importance d’effectuer une surveillance continue pour maintenir de faibles fréquences de mutation et préserver l’efficacité du RDV contre le SRAS-CoV-2.
Le Pr Jean et l’équipe du pilier 10 restent déterminés à faire progresser la recherche sur les antiviraux malgré les difficultés rencontrées, telles que la nature limitée dans le temps des cycles de financement et la recherche perpétuelle d’un soutien financier alors que le financement du réseau CoVaRR-Net en est à sa dernière année.
Pre Nathalie Grandvaux, adjointe au pilier 10 Stratégies et thérapeutiques antivirales et professeure au Département de biochimie et de médecine moléculaire de l’Université de Montréal, explique comment le regroupement d’experts de partout au Canada sous la bannière du réseau CoVaRR-Net a contribué à l’élaboration de nouvelles stratégies antivirales au Canada.
« Cela nous a permis de mener des recherches sur la synergie des médicaments et leur impact sur les variants du SRAS-CoV-2. Les nombreuses discussions avec les membres du pilier 10 et les membres des autres piliers nous ont permis d’améliorer la conception et les outils de recherche », déclare la Pre Grandvaux.
« L’entraide, la mise en commun de l’expertise et la collaboration ont été essentielles lorsque nous avons réalisé que les vaccins n’offraient pas une solution parfaite. »
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a invité les pays à approuver un nouveau document témoignant de leur engagement en faveur de la préparation aux pandémies. Elle a dressé une liste de neuf agents pathogènes préoccupants susceptibles de déclencher la prochaine pandémie mondiale. Selon le Pr Jean, cela soulève des questions bioéthiques sur l’accessibilité des vaccins et des médicaments, notamment en raison des disparités qui persistent dans la distribution des vaccins dans certains pays. Il espère que les molécules que le pilier 10 a contribué à découvrir et à développer seront les premières du genre à être utilisées contre les agents pathogènes prioritaires figurant sur la liste de l’OMS.
« Nous sommes en train de repousser les limites », déclare-t-il. « Sur la liste des neuf virus répertoriés par l’OMS, nous avons effectué des recherches sur cinq d’entre eux. Nous enverrons bientôt nos petites molécules à des laboratoires de niveau de biosécurité 4 dans le monde entier pour qu’ils les testent contre ces virus mortels que seuls quelques laboratoires dans le monde peuvent traiter. »
Les trois dernières années ont marqué une période de réalisations importantes et de collaboration internationale pour les chercheurs du pilier 10. Leur objectif étant d’élargir l’impact de leurs découvertes pour s’attaquer à un large éventail de pathogènes viraux, leurs recherches sur les antiviraux laisseront une impression durable sur la scène mondiale.